Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/792

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Mais quand absolument il arriverait que sans exiger beaucoup de nous, les Kin se déterminassent à nous faire la grâce entière, qu’ils ne s’en repentissent point, ou qu’ils nous trouvassent en état de nous maintenir, et de rendre inutile leur repentir ; l’avantage qu’il y aurait, n’empêcherait pas qu’il ne fut toujours fort honteux à l’illustre dynastie Song, de n’avoir pu recouvrer par elle-même le domaine de ses premiers princes, d’en tenir une partie de la main de ses plus cruels ennemis, et de l’être allé mendier chez les barbares. Pour moi, je vous avoue que quand les choses tourneraient de la sorte, je ne pourrais encore m’empêcher d’en rougir pour vous.


Tchu hi ayant été proposé pour un emploi important dans la province de Tché kiang, l’empereur l’y nomma ; il l’appela ensuite à la cour, et invita à lui laisser, avant que de partir, quelques bons avis. Tchu hi le fit en plusieurs discours, dont un fut celui qui suit.


Prince, le gouvernement des États dépend principalement du cœur des princes. Mais ce cœur des souverains peut être lui-même gouverné ou par la raison, ou par les passions ; et c’est la différence de ces maîtres, qui établit la différence entre l’intérêt et l’équité, entre l’artifice et la droiture, enfin entre le vice et la vertu. La raison que l’homme a reçu de Tien, est à peu près à l’égard du cœur, ce que la santé est à l’égard du corps. La raison règne-t-elle dans le cœur ? Tout y est dans l’ordre ; ce n’est que droiture, équité, vertu. Les passions sont au contraire comme les maladies de ce même cœur. Y règnent-elles ? Le trouble y est ; ce n’est qu’artifice, intérêt, vice. Où règne la vertu, règne en même temps une joie également douce et pure, qui rend chaque jour plus heureux celui qui la goûte. Le vice au contraire traîne après soi de rudes peines, qui accablent chaque jour de plus en plus celui qui les souffre. Le bon ordre et la sûreté des empires, leurs troubles ou leurs ruines, sont aussi les différents effets de ces différentes causes : effets qui tout différents qu’ils sont, ont cependant cela de commun, qu’une pensée bonne ou mauvaise en est le premier principe. C’est ce que Yao, Chun et Yu exprimaient par ces paroles. Rien de plus dangereux que les passions, rien de plus délicat que la raison. Ce n’est qu’en conservant cette raison pure, et en la faisant régner seule, qu’on tient constamment le vrai milieu... Dans la suite Tchu hi dit qu’il est surpris de voir si peu fleurir le règne d’un prince, qui étant monté sur le trône dans un âge mûr, y avait de plus apporté d’excellentes