Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/796

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commun qu’il est, renferme un sens de grande étendue. J’ose vous prier d’y faire attention. Produire et avancer les gens qui ont du talent et du mérite, ne se pardonner rien à soi-même ; être chargé de tout le gouvernement, et s’acquitter si bien de cet emploi, qu’il n’y ait rien à redire ; faire du prince un digne souverain, rendre vertueux les sujets ; voilà les obligations d’un ministre. Tout serait possible à celui qui les remplirait parfaitement. Mais un ministre y manque-t-il par quelque endroit ? Ce manquement fût-il léger ? c’est toujours une tache à sa vertu ; c’est une brèche qui peu à peu devenant plus grande, affaiblit sa vertu, et expose sa réputation. Alors sentant le besoin qu’il a d’être redressé, occupé du soin de parer aux reproches qu’il sent mériter ; y a-t-il lieu d’espérer qu’il vienne à bout de faire du souverain un prince parfait, et de l’empire un État heureux ? Le cœur de Tien n’est point encore apaisé, et les peuples sont épuisés. La Chine n’est point rétablie dans ce florissant état qui la faisait respecter. La cupidité des barbares est plus que jamais à craindre pour elle. Pensez-y, je vous en prie. Tâchez d’y pourvoir efficacement, et cessez de penser à moi. La grâce que je vous prie d’ajouter aux précédentes, c’est d’excuser la liberté avec laquelle, sans être en place, je parle à un homme de votre rang.


Yu yun ouen, ministre d’État sous l’empereur Hiao tsong, pensant à faire la guerre, pour réparer les pertes qu’on avait faites, voulut s’aider de Tchang ché. Il lui en fit porter la parole par bien des gens, et d’une manière toujours obligeante. Tchang ché pour toute réponse, alla trouver l’empereur, et lui présenta le discours qui suit.


Prince, pourquoi croyez-vous que nos anciens empereurs régnaient si glorieusement ? Pourquoi tout réussissait-il au gré de leurs désirs ? C’est que par leur solide et parfaite vertu ils touchaient en même temps le cœur de Tien et le cœur des hommes, et qu’ils ne se démentaient en rien. Aujourd’hui malgré les peines que Votre Majesté et ses ministres se donnent, on a beau former des projets, aucun ne s’exécute avec succès. Croyez-moi, rentrez en vous-même. examinez avec soin vos paroles, vos actions, et surtout votre intérieur. Voyez s’il n’y a point quelque intention peu droite, quelque intérêt particulier, ou quelque passion secrète qui gâte tout. Si vous y trouvez quelque chose de semblable, corrigez-le sans délai, afin que cet obstacle levé, et votre cœur revenu au juste et droit milieu qui