Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/113

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des premières charges ; mais soit qu’il eût oublié son ancien ami, soit qu’il craignît de paraître lié avec un étranger, il lui ordonna de sortir au plus tôt de la ville, et il fit châtier celui qui, contre les lois, l’avait reçu dans sa maison.

Le Père, sans se rebuter de tant de contradictions, prit le parti de retourner à Nan tchang, capitale de la province de Kiang si. Le favorable accueil qu’on lui fit, le dédommagea des peines précédentes : sa vertu et sa science lui gagnèrent bientôt le cœur des mandarins et des Grands de cette ville, et il y avait entr’eux une espèce d’émulation, à qui lui témoignerait le plus d’amitié. Le vice-roi même prévint le désir qu’il avait de s’y établir, et lui offrit ses services, qu’il accepta d’autant plus volontiers, qu’il venait de recevoir un nouveau secours d’ouvriers évangéliques, par l’arrivée du P. Cataneo, du P. Longobardi, etc.

Mais le principal fruit qu’il retira de sa demeure à Nan tchang, fut la facilité qu’il trouva de s’introduire à la cour. Il avait lié une amitié très étroite avec le gouverneur, qui venant d’être nommé président du premier tribunal de Nan king, devait se rendre auprès de l’empereur, pour prendre ses ordres. Le Père lui témoigna l’extrême désir qu’il avait de l’accompagner dans ce voyage, et le gouverneur y consentit. L’église de Chao tcheou qu’il avait fondée, était gouvernée par le père Longobardi : il confia celle de Nan tchang au P. François Sore, Portugais, et il partit pour Peking avec le père Cataneo, le frère Sébastien Fernandez, et un Chinois qu’on avait nommé Pereira : leur arrivée et le peu de séjour qu’ils firent dans la capitale, n’eurent pas le succès qu’ils s’étaient promis.

La guerre du Japon tenait tous les esprits en défiance : c’était assez de voir des étrangers, pour croire que c’étaient des Japonais, et il n’y eut personne qui osât dans de pareilles conjonctures les faire connaître à l’empereur. Le parti le plus sage fut donc de porter ses vues ailleurs. C’est ce que fit le père Ricci : il songea à établir une église dans une des principales villes de la province de Tche kiang, où il avait un intime ami, qui pouvait l’aider de son crédit et de ses conseils.

Après en avoir conféré avec cet ami, ils conclurent qu’il fallait aller à Nan king, et demander des lettres de recommandation au président du premier tribunal, qui avait déjà pris possession de sa charge. Ils firent ensemble ce voyage : mais en arrivant dans la ville, ils furent agréablement surpris du changement qu’ils trouvèrent dans la disposition des esprits. La défaite de l’armée japonaise, et la mort de Taycosama qu’on venait d’apprendre, causait une joie universelle, et la présence d’un étranger ne donnait plus tant de défiance.

On vit revivre dans les Grands et dans les mandarins, les sentiments de leur estime et de leur vénération pour le missionnaire, que la crainte de se rendre suspects avait comme étouffés auparavant. Tout ce qu’il y eût de gens considérables à Nan king lui rendirent visite ; les savants l’écoutèrent avec admiration, lorsqu’il réforma leurs fausses idées sur la physique, sur l’astrologie, sur la géographie, et sur le système du