Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/115

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avec les plus grands témoignages de considération et d’amitié. Ce prince agréa tous les présents, ce qui était déjà une grande faveur. Il plaça dans un lieu honorable un tableau du Sauveur, et un autre de la très sainte Vierge. Il fit élever une tour superbe, pour y placer l’horloge ; il usa même d’une petite adresse, pour se conserver une montre, que la reine mère aurait pu lui demander, si elle eût su qu’elle sonnait ; c’est pourquoi il défendit de monter la sonnerie, lorsqu’elle lui fut présentée. Enfin il permit au Père et à ses compagnons, de se choisir une maison dans Peking ; et il leur assigna un revenu pour leur entretien : il leur accorda même la permission d’entrer dans une des cours du palais, où il n’y avait que ses officiers qui eussent droit d’entrer.

L’établissement du P. Ricci à Peking fut le fruit de vingt années de travaux mêlés de traverses et de persécutions. Il commença dès lors à recueillir ce qu’il avait semé avec tant de larmes. Sa maison devint bientôt le lieu le plus fréquenté de toute la ville ; et il n’y eût presque personne, qui ne se fît honneur de le connaître, et d’avoir part à son amitié ; entr’autres le premier colao, qui est le premier officier de l’empire, et qui lui donna en toute occasion des marques de son estime.

Ce fut alors qu’il commença à travailler solidement au salut des âmes, persuadé que la capitale donnant le mouvement au reste de l’empire, le progrès qu’y ferait la foi, serait suivi d’un semblable succès dans les provinces. En peu d’années on vit des conversions éclatantes, et on compta un grand nombre de chrétiens dans tous les ordres de la monarchie.

La pluralité des femmes était un grand obstacle pour les mandarins ; mais la grâce le surmonta ; et plusieurs de ces puissants du siècle s’étant une fois soumis au joug de l’Évangile, en devinrent les prédicateurs ; et par leur zèle à étendre la foi, remplirent les fonctions des plus fervents missionnaires.

Le père Ricci avait établi que les catéchumènes, avant que de recevoir le baptême, feraient une protestation publique, qui contiendrait et la détestation de leur vie passée, et la sincérité avec laquelle ils embrassaient la foi : ils devaient composer eux-mêmes cette protestation, afin qu’on pût moins douter de leurs véritables sentiments. On peut juger de la manière, dont elle avait coutume de se faire, par celle d’un célèbre mandarin nommé Li, qui était fort attaché aux superstitions païennes : toutes les autres étaient à peu près semblables. Voici comme ce mandarin s’explique.

« Li, disciple de la Loi chrétienne, de tout mon cœur, et avec toute sincérité, je veux embrasser la foi de Jésus-Christ. Autant que je le puis, je lève les yeux vers le seigneur du ciel, et le conjure de vouloir prêter l’oreille à mes paroles. Je proteste qu’étant dans cette royale ville de Peking, je n’avais jamais ouï parler de la sainte foi que j’embrasse, ni vu aucun de ceux qui la prêchent ; d’où il est arrivé que très longtemps j’ai vécu dans l’erreur et dans les ténèbres, et que toutes les actions de ma vie n’ont été que des égarements d’un homme aveugle et hors de soi.