Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/118

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Sa petite-fille nommée Candide, se distingua entre les autres : elle n’avait que quatorze ans quand elle perdit sa mère, qui lui avait donné la plus sainte éducation. A seize ans elle fut mariée à un homme considérable nommé Hiu, mais qui vivait encore dans les ténèbres de l’idolâtrie. Elle sut si bien gagner son esprit par sa douceur, par sa condescendance, et par l’exemple de sa piété, qu’il demanda le baptême, et le reçut deux ans avant sa mort. Elle se trouva veuve à l’âge de trente ans ; et dans cet état de liberté, qui la rendait maîtresse d’elle-même, elle se consacra entièrement à Dieu.

Pendant quarante-trois ans de sa viduité, elle imita parfaitement ces saintes veuves, dont saint Paul nous fait le caractère : non contente d’édifier l’église naissante de la Chine par la sainteté de sa vie, elle contribua plus que personne à étendre la foi dans ce vaste empire. Sans toucher à son patrimoine, ni aux biens qu’elle devait laisser à huit enfants que le seigneur lui avait donnés, elle trouva dans ses épargnes et dans le travail de ses mains, de quoi fonder trente églises dans son pays ; et elle en fit bâtir neuf autres, avec de belles maisons, dans diverses provinces.

Ce fut par ses libéralités secrètes, et par son crédit auprès des mandarins de Nan king, de Sou tcheou, de Chang haï, et de Song kiang, que le père Brancati bâtit tant d’églises, de chapelles, et d’oratoires domestiques. On comptait dans toute cette contrée de la province de Kiang nan, quatre-vingt-dix églises, quarante-cinq oratoires, et trois sortes de congrégations. Outre celles qui sont destinées au culte de la très sainte Vierge, et celles des enfants, que l’on nommait la congrégation des anges, il y en avait une troisième, qu’on appelait de la passion de Jésus-Christ, où les chrétiens les plus fervents s’assemblaient tous les vendredis, pour méditer les mystères des souffrances et de la mort du Sauveur. On établit une quatrième congrégation de lettrés sous la protection de saint Ignace, Ils s’assemblaient le premier jour de chaque mois, et ils récitaient des instructions qu’ils avaient composées sur les principales vérités de la foi, sur nos mystères, et sur les fêtes les plus célèbres. Les missionnaires examinaient ces discours ; et quand ils les approuvaient, ils envoyaient ces lettrés le dimanche suivant pour les réciter au peuple dans les églises, où ils ne pouvaient pas aller eux-mêmes.

Comme les Chinois aiment naturellement à composer et à débiter leurs compositions, rien n’était plus utile à entretenir les anciens chrétiens dans la ferveur, et à en augmenter le nombre. On avait pris soin de leur fournir des livres propres à préparer leurs discours ; et c’est principalement à ce dessein que les missionnaires avaient traduit en langue chinoise des réflexions sur les Évangiles, la somme théologique de saint Thomas en trente-cinq volumes, les commentaires de Baradius sur les Évangiles, les vies des saints, etc. Ils avaient déjà composé environ cent-trente semblables ouvrages de piété et de la religion : ce fut cette dame qui les fit imprimer à ses frais, et qui les répandit dans les maisons des infidèles, des lettrés, des mandarins, des gouverneurs ; et par ce moyen elle en gagna un grand nombre à Jésus-Christ.