Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/58

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Ils raisonnent de même en ce qui concerne la morale : ils appellent Li, ce qui établit le rapport des devoirs réciproques entre le prince et le sujet, le père et le fils, le mari et la femme ; ils donnent pareillement le nom de Li à l’âme, en tant qu’elle informe le corps ; et dès qu’elle cesse de l’informer, ce Li se détruit à sa manière : de même à peu près, disent-ils, que l’eau changée en glace, quand la chaleur est assez forte pour la dissoudre, perd le Li qui la faisait glace ; et elle reprend sa première fluidité, et son être naturel.

Enfin après avoir bien disputé sur le Tai ki et sur le Li, d’une manière fort entortillée, et assez peu intelligible, ils tombent nécessairement dans l’athéisme, en ce qu’ils excluent toute cause efficiente, surnaturelle, et qu’ils n’admettent d’autre principe, qu’une vertu inanimée et unie à la matière à laquelle ils donnent le nom de Li, ou de Tai ki.

Mais où ils se trouvent le plus embarrassés, c’est lorsqu’ils veulent éluder le grand nombre de textes clairs des livres anciens, où il est parlé des esprits, de la justice, de la providence d’un Être suprême, et de la connaissance qu’il a de ce qui se passe de plus secret dans les cœurs, etc. et qu’ils tâchent de l’ajuster à leur manière de penser toute charnelle : c’est alors qu’ils se jettent en de nouvelles contradictions, et qu’ils détruisent dans un endroit, ce qu’ils établissent comme certain dans un autre. En voici des exemples.

Ils enseignent clairement, que par l’empire que l’âme a sur ses mouvements et sur ses affections, elle peut parvenir à la connaissance de cette âme suprême, de cette intelligence qui gouverne souverainement toutes choses ; que de même, à la vue de cette manière admirable, dont les êtres se perpétuent, en sorte que chaque être produit toujours et constamment son semblable, on prouve évidemment qu’il y a une grande intelligence, qui conserve, qui gouverne toutes choses, et qui les conduit à leurs fins de la manière la plus convenable. Ils en viennent jusqu’à nier que ce soit quelque chose d’inanimé et de matériel : ils assurent même que c’est un esprit, qu’il est indépendant, qu’il renferme la bonté de tous les êtres, et qu’il donne l’être à tout ce qui subsiste.

Il n’est pas étonnant que ces commentateurs modernes se donnent vainement la torture, pour accorder leurs opinions avec la doctrine des anciens livres ; puisque les principes qu’ils admettent, ne se trouvent nulle part dans l’antiquité chinoise.

J’ai déjà dit que leur Tai ki ne se trouve ni dans l’Y king, qui ne consiste que dans une table de soixante-quatre figures, composées de trois cent quatre-vingt-quatre lignes entières ou brisées ; ni dans les interprètes, qui sont venus dix-sept cents ans après Fo hi ; ni dans le Chu king, et les autres livres classiques : il ne se trouve qu’une seule fois dans un court appendice que Confucius a ajouté à ses interprétations de l’Y king. On ne parle aussi nulle part du Li, dans le sens que ces nouveaux commentateurs lui donnent.

C’est donc environ trois mille ans après Fo hi, fondateur de la monarchie chinoise, qu’on a vu éclore le fameux Tai ki, et seize cents ans après