Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/59

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Confucius, qui n’en a parlé qu’une seule fois ; et encore les plus habiles interprètes assurent-ils, que ce philosophe n’entendait autre chose par ce mot, que la matière première.

On ne peut néanmoins disconvenir que ces commentateurs n’aient rendu service à l’empire, en réveillant le goût pour les anciens livres ; mais ils ont nui infiniment à un grand nombre de lettrés médiocres et peu habiles, qui s’attachant moins à approfondir le texte de ces précieux monuments, qu’à se remplir l’esprit de la doctrine insinuée dans les nouveaux commentaires, paraissent avoir donné dans une espèce d’athéisme, auquel ils ne se sentaient déjà que trop portés, et par la dépravation de leurs mœurs, et par les superstitions dont ils avaient été imbus dès leur enfance.

Cependant, si l’on en croit le témoignage d’une foule de missionnaires, qui ont passé la plus grande partie de leur vie dans l’empire, et qui s’y sont rendus très habiles dans la science chinoise, par une constante étude des livres, et par leur commerce avec les principaux lettrés ; si l’on en croit, dis je, ce témoignage, comme il paraît raisonnable, et comme en qualité d’historien, je ne puis me dispenser de le rapporter, les vrais savants n’ont pas donné dans ces folles idées : sans s’arrêter à la glose et aux interprétations des commentateurs récents, ils ne s’en tiennent qu’au pur texte, selon cette maxime si commune parmi eux : Attachez-vous au texte, laissez-là le commentaire : Sin king pou sin tchuen.

En effet, c’est, à ce texte, et non à sa glose que tout lettré a droit d’en appeler : c’est dans ce texte que la doctrine chinoise est marquée et fixée ; et tout ce que peuvent avancer les glossateurs modernes, est sans autorité, dès qu’on fait voir qu’il est peu conforme au texte des livres classiques. Ces vrais savants, uniquement attachés au texte des livres classiques, ont la même idée du premier être, que les anciens Chinois, et entendent comme eux, par les mots de Chang ti et de Tien, non pas le ciel visible et matériel, ou une vertu céleste inanimée et destituée d’intelligence ; mais le premier Être, l’auteur et le principe de tous les êtres, le suprême seigneur, qui dispose de tout, qui gouverne tout, qui perce dans le secret des cœurs, à qui rien n’est caché, qui punit le vice, qui récompense la vertu, qui élève et abaisse ceux qu’il lui plaît, qu’on doit honorer par la pratique de la vertu, etc.

Aussi rien n’est-il plus fréquent que d’entendre ces lettrés se plaindre que l’innocence, la candeur, et la simplicité des premiers siècles, est entièrement oubliée ; que les savants négligent les anciens monuments ; que plusieurs ne sont disciples de Confucius que de nom ; et qu’ils n’ont d’autre but, que de parvenir aux charges et aux dignités, et de se faire de la réputation, en éblouissant les simples par une vaine éloquence.

Néanmoins, comme on voyait des lettrés qui, en suivant les commentateurs modernes, et voulant tout expliquer par les causes naturelles, donnaient dans l’athéisme, et ne reconnaissaient pour premier principe, qu’une vertu céleste, aveugle, et matérielle, des missionnaires venus récemment à la Chine, furent portés à croire que c’était là l’opinion