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ma pensée, afin que vous vous conformiez tous à mes sentiments. C’est là l’unique sujet de cette instruction. »

Il y a plusieurs années que le père Favre, dans une dispute qu’il eût en présence de trois cents lettrés, leur prouva par différents traits des livres classiques, l’existence d’un Dieu, sa justice, sa bonté, sa providence, et ses autres perfections ; sans qu’aucun de ces lettrés s’avisât de contredire l’interprétation qu’il donnait aux livres de leurs anciens auteurs.

Grand nombre de chrétiens, dans les compositions qu’il leur faut faire, pour parvenir aux degrés, ou pour s’y maintenir, ont suivi les mêmes principes ; et loin de s’attirer la raillerie des savants, ils ont vu leur travail payé par des éloges, et par les récompenses qu’ils avaient méritées. Le docteur Chang keng, dans le temps qu’il aspirait au doctorat, remplit les commentaires qu’il fit sur l’Y king, de maximes et de principes semblables ; et il mérita l’approbation des savants.

Il semble qu’on peut conclure de tout ce que je viens de rapporter, que la secte des lettrés, qui est la dominante, doit se partager en deux classes. La première, de ceux qui, sans beaucoup d’égard aux commentaires modernes, ne s’attachent qu’au pur texte des livres classiques, et qui ont la même idée de l’Être suprême, auteur de l’univers, que les premiers Chinois, c’est-à-dire, que les Chinois, qui depuis Fo hi jusqu’aux nouveaux commentateurs, ont vécu et raisonné pendant tant de siècles.

La seconde, de ceux qui, négligeant le texte, cherchent le sens de l’ancienne doctrine dans les gloses des nouveaux commentateurs, et s’attachant comme eux à une mauvaise philosophie, s’imaginent briller par des idées confuses, et ténébreuses ; et faire accroire qu’ils expliquent tout avec beaucoup de succès, par les causes matérielles, auxquelles ils attribuent non seulement la production, mais aussi le gouvernement de l’univers, et leur raison même. Ils ne laissent pas de témoigner, comme les autres, une profonde vénération pour l’ancienne doctrine, et de se dire disciples de Confucius. Mais les vrais disciples de Confucius l’étudient dans les sources ; et ceux-là ne cherchent sa doctrine que dans un petit ruisseau détourné, et tombent peut-être sans le vouloir bien distinctement, dans les plus affreux égarements de l’athéisme.

Quoi qu’il en soit, comme je ne fais ici que le personnage d’historien, en rapportant les sentiments d’un grand nombre de missionnaires qui ont passé leur vie à la Chine, je ne dois pas dissimuler ce que quelques autres, qui sont persuadés que tous les savants de cet empire sont autant d’athées, opposent à ces divers témoignages de l’empereur, et des principaux lettrés.

Ils disent donc que c’est par politesse[1] et par complaisance que l’empereur s’est expliqué de la sorte, et que les lettrés ont rendu ces témoignages ;

  1. Obsequiosa quadam comitate ad mentem potius interrogantium quam ex propria sententia respondere potuerunt. Observationes Ep. Con. p. 134. Ibid pp. 123, 124.