Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/67

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que la déclaration de l’empereur est conçue en termes équivoques, et que c’est un oracle ambigu ; qu’il n’y a aucun athée, qui ne souscrive à sa déclaration ; que quand ce prince a répondu que c’était, non au ciel visible et matériel qu’il offrait des sacrifices, mais au seigneur et à l’auteur du ciel, de la terre, et de toutes choses, il entendait la racine et l’origine de tous les êtres, qui n’est autre chose que le Li, ou cette vertu céleste inhérente à la matière, qui est, selon les athées de la Chine, le principe de toutes choses.

D’ailleurs, que quand on lit dans les livres, ou quand on entend dire aux Chinois[1], que la vie et la mort, la pauvreté et les richesses, et généralement tous les divers événements dépendent du Tien, ou du Ciel ; que rien ne se fait que par ses ordres ; qu’il récompense les gens de bien, et qu’il punit les méchants ; qu’il ne peut être trompé ; qu’il voit tout, qu’il entend tout, qu’il connaît tout ; qu’il perce dans les plus secrets replis du cœur humain ; qu’il assiste les gens vertueux, qu’il les console ; que son cœur s’attendrit sur leurs maux ; qu’il est sensible à leurs plaintes ; qu’il se laisse fléchir par leurs prières ; qu’il déteste les superbes, qu’il a en horreur les hommes vicieux, etc. : toutes ces expressions doivent être regardées comme autant de métaphores, par lesquelles on fait entendre aux peuples, que toutes ces choses arrivent, comme si effectivement le ciel était intelligent ; qu’il récompensât la vertu ; qu’il punît le vice, etc.

Enfin ils prétendent que comme les stoïciens attribuaient les divers évènements à une fatalité inévitable, de même les lettrés chinois attribuent au ciel, c’est à-dire, à une vertu dominante dans le ciel, et qui influe sur toutes choses, les biens et les maux, les châtiments et les récompenses, les révolutions des États ; en un mot, tous les événements heureux ou malheureux, qu’on voit arriver dans le monde ; et que c’est ainsi qu’ils l’entendent, quand ils disent que le ciel gouverne l’univers, qu’il récompense les gens de bien, etc.

Après avoir rapporté, et les sentiments des personnes habiles, qui vivant avec les lettrés chinois, ont le plus profondément étudié la doctrine de leur secte, et les pensées d’autres personnes qui ne pouvaient pas s’attribuer le même avantage, quelque bonne intention qu’ils eussent d’ailleurs, je ne dois pas oublier une espèce particulière de lettrés, qui se trouvent en assez grand nombre à la Chine, et qui se sont fait un système de toutes les sectes, s’accommodant aux unes et aux autres, et tâchant de les concilier ensemble.

Comme c’est par l’étude des lettres qu’on parvient aux dignités et aux magistratures, et que cette voie est ouverte à toutes les conditions, il y a beaucoup de lettrés, qui étant de basse naissance, ont été élevés dans l’idolâtrie, et qui, lorsqu’ils deviennent mandarins, soit par un reste des préjugés de l’enfance, soit par politique pour complaire aux peuples, et maintenir la tranquillité publique, semblent adopter les opinions de toutes les différentes sectes ; ils y sont d’autant plus portés, que les

  1. Ibid. p. 111.