Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/71

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le malheur de la vie vient de cette ridicule chimère. En effet, si quelqu’un a plus d’esprit et de talents que ceux de son âge ; s’il parvient de bonne heure au doctorat ; s’il est élevé à un mandarinat ; s’il a plusieurs enfants ; s’il arrive à une extrême vieillesse ; si étant engagé dans le commerce, tout lui réussit, ce n’est ni son esprit, ni son habileté, ni sa probité qui en est la cause ; c’est que sa maison est heureusement située ; c’est que la sépulture de ses ancêtres est dans un admirable fong choui.

Mais, pour revenir à ceux des lettrés, qui cherchant à étouffer dans leur esprit l’idée d’une première intelligence, laquelle a produit, et gouverne toutes choses, ont recours aux causes purement matérielles, pour expliquer l’origine de tous les êtres : on ne sera peut-être pas fâché d’entendre raisonner un de ces philosophes, lorsqu’il expose son système sur l’origine du monde, sa physique sur la nature des choses, son plan d’astronomie, ses principes de mécanique, son sentiment sur les âmes, et ses règles de morale.

On verra qu’il s’égare également, soit qu’il parle en physicien, soit qu’il moralise. On verra quel est l’orgueil et l’aveuglement de ces prétendus savants, qui, dans l’arrangement des principes et des conclusions de leur système, s’accordent si peu avec eux-mêmes ; qui prouvent très mal, ou ne prouvent point du tout ce qui a le plus besoin de preuves ; qui n’ont ni justesse, ni solidité dans les conclusions qu’ils tirent des principes qu’ils ont établis.

On verra aussi qu’ils ne laissent pas d’être subtils à démêler le vrai d’avec le faux, et difficiles à ne rien admettre, qui ne soit appuyé sur des raisons évidentes ; pendant qu’ils veulent être crus sur leur parole, et que, pour se tirer d’embarras, ils éludent les difficultés par toutes les chicanes d’une éloquence frivole et vétilleuse.

L’auteur de ce petit traité est un philosophe moderne nommé Tchin : il est écrit en forme de dialogue, et c’est le père Dentrecolles qui l’a traduit de l’original chinois. Ce dialogue, où ce philosophe explique ses sentiments sur l’origine et l’état du monde, est le douzième entretien : car son ouvrage en renferme plusieurs sur d’autres matières d’histoire et de morale, qui ne font rien au sujet présent. Voici donc comme il s’explique.