Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/80

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ornements, qui se font de ce double métal, sont aisés à être ouvragés : je vous réponds que ces métaux ne méritent point d’être si fort estimés, du moins par rapport à l’utilité de la vie ; car après tout ils ne sont bons qu’à faire des vases, des parures, et d’autres ornements peu nécessaires ; au lieu que le fer, quoiqu’il tienne un moindre rang parmi les métaux, sert par sa seule dureté à ouvrir les sillons qui nous enrichissent de leurs grains, et nous fournissent les aliments qui entretiennent la vie. La dureté du fer le rend propre à beaucoup d’autres usages, par exemple, à préparer les aliments, dont nous ne pourrions user sans son secours, à fabriquer des armes, qui en terminant les guerres, procurent la paix et l’abondance aux peuples, qui effrayent, ou exterminent les voleurs, et qui affermissent la sûreté publique.

Venons au moral : ces folles et languissantes passions pour le sexe, ne viennent-elles pas d’un cœur mol ? Si le sexe avait de la fermeté, oserait-on se donner la moindre liberté en sa présence ? On n’en approcherait que comme du feu, auquel on ne se joue pas impunément. Notre Y king, ce don précieux de Fo hi, exalte fort la lettre kang, c’est-à-dire, ce qui a de la fermeté. Au contraire votre Lao tsé ne loue que le yeou, c’est-à-dire, ce qui est mol ; et par là il est tout à fait opposé à la doctrine de nos livres canoniques.

De plus, c’est une chose certaine que la vie des hommes ne va pas au-delà de cent ans, et il se flatte de la faire durer des siècles entiers ; il a même prétendu que l’yang, qui est l’âme de l’homme, ne se dissipe jamais, et qu’il a trouvé le moyen d’enlever à la nature la vertu vivifiante, pour en disposer ensuite à son gré.

Après de telles prétentions il a bonne grâce à nous dire que tout n’est que vanité, lui qui a des désirs plus vastes que le plus ambitieux de tous les hommes ; qu’on ne doit tenir à rien, lui qui est plus attaché à la vie que personne ; qu’il n’y a rien de louable que l’état d’inaction et d’indolence, lui qui est infiniment vif dans ses poursuites. Affecter ainsi l’immortalité, n’est-ce pas se révolter contre la nature, et contre les lois du Ciel et de la Terre ?

Mais il faut une bonne fois vous faire connaître ce Lao tsé que vous estimez si fort. Écoutez le précis de son histoire. Il naquit sur la fin de la dynastie des Tcheou, aux environs de la ville de Lin pao, dans la dépendance de la ville de Ho nan. Son père, surnommé Kouang, n’était qu’un pauvre paysan, qui dès l’enfance servait en qualité de manœuvre dans une maison opulente. Il avait 70 ans, qu’il n’avait pu encore trouver une femme. Enfin il s’attacha à une grossière paysanne qui avait quarante ans, et il l’épousa.

Cette femme se trouvant un jour dans un lieu écarté, conçut tout à coup par le simple commerce et l’union de la vertu vivifiante du Ciel et de la Terre. Elle porta son fruit quatre-vingt ans. Le maître qu’elle servait, ne pouvant souffrir une si longue grossesse, la chassa de sa maison. Elle fut donc contrainte de mener une vie errante dans la campagne. Enfin ce fut sous un prunier, qu’elle accoucha d’un fils, qui avait les cheveux et