Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/81

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les sourcils tout blancs. La mère qui ignorait le nom de famille de son mari, dont elle ne savait que le surnom, donna à cet enfant le nom de l’arbre sous lequel il était né : puis remarquant qu’il avait les lobes des oreilles fort allongées, elle prit de là son surnom, et l’appela Prunier-l’oreille, Ly-eul. Mais le peuple qui le voyait tout blanc, le nomma le vieux enfant, Lao tsé.

Quand il fut arrivé à un certain âge, il eût soin de la bibliothèque d’un empereur des Tcheou ; et ce fut par sa faveur, qu’il obtint un petit mandarinat. Il se rendit habile dans l’histoire ancienne, et dans la connaissance des rits des premiers temps : et c’est ce qui porta Confucius à l’aller voir, pour conférer avec lui sur le cérémonial, et les talents d’un bon mandarin. Lao tsé dans sa vieillesse, s’aperçut de la décadence prochaine de la dynastie des Tcheou. Il monta sur une vache noire, et tirant vers l’occident, il arriva à la gorge de la Vallée sombre. Ce passage était gardé par un officier nommé Y, et surnommé Hi. Le livre Tao té, contenant cinq mille sentences, fût composé dans la ville de Tcheou ché, dépendante de Tsin tchuen. Enfin il mourut, et son tombeau est à Ou.

Voilà le commencement et la fin de Lao tsé. Il n’a pu pendant sa vie prévenir la ruine de la race des Tcheou, dont il était sujet et mandarin, et l’on veut que nous croyions toutes les fables que l’on débite sur son prétendu mérite ; et entr’autres qu’après sa mort il a été placé au haut des cieux sous la qualité des trois purs.

Hé ! que pensez-vous, monsieur, de la doctrine du Fo, qui nous a été apportée d’occident, s’écrièrent ceux de l’assemblée, qui étaient attachés au culte de cette idole ?

Le Fo[1], répondit le philosophe, est un autre visionnaire, qui a aussi prétendu se rendre immortel. Selon lui, tout n’est que vide, il n’y a rien de réel. Suivant ce beau principe, il veut qu’on ne pense à rien, qu’on réduise le cœur au pur vide, c’est-à-dire, qu’on le vide de toute affection, qu’on aille jusqu’à s’oublier soi-même, comme si l’on n’était pas. Nous avons des yeux et des oreilles, il faut ne rien voir, ne rien entendre : ces organes doivent être vides de tout objet, c’est là leur état parfait. Nous avons une bouche, des mains, des pieds : il faut que tous ces membres soient dans l’inaction. Sa grande prétention est que son admirable ternaire du tsing, du ki, du chin, c’est-à-dire, du fin, du subtil, du spirituel, arrive à sa plus grande perfection, et qu’en se réunissant, il ne fasse qu’un. Pour ce qui est de l’âme, sa durée, dit-il, n’a point de bornes : elle ne se détruit point.

Voyez-vous que cette belle doctrine d’anéantissement de soi-même, de

  1. Le détail que fait de Fo ce philosophe chinois, a ses traits de nouveauté : il en rapporte des particularités qu’on n’a point ailleurs. C’est lui, comme on le voit, qui inventa la métempsycose. Comme il vécut cinq cents ans avant Pythagore, et qu’on sait d’ailleurs que ce philosophe parcourut l’Égypte & l’Inde, on ne peut guère douter qu’il n’ait pris des disciples de Fo sa doctrine de la métempsycose, et qu’il ne s’en soit fait honneur à son retour en Grèce.