Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/87

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se sont jouées de nos empereurs, et ont mis l’empire à deux doigts de sa ruine.

9° Entre les rêveries dont les ministres des sectes de Fo et de Lao amusent les esprits crédules, on ne doit point oublier un stratagème bien propre à séduire dont ils se servent. Quand ils veulent initier quelqu’un à leurs mystères, il l’obligent de se regarder dans un vase plein d’eau, où il se voit d’abord tel qu’il se trouve dans sa condition présente. On l’oblige de s’y regarder une seconde fois, et alors il y paraît tel qu’il sera dans la condition qui lui est destinée quand il renaîtra, supposé qu’il ait été fidèlement attaché à leurs divinités. Il arrive par le secret de leur art magique, qu’un homme riche s’y voit sous la figure d’un malade, ou d’un gueux qui manque de tout ; et sur cela il prend la résolution de consacrer tout son bien aux temples des idoles. Après cette bonne œuvre, on l’engage encore à se regarder dans le vase plein d’eau : alors, si c’est un homme, il se voit habillé en roi, ou en général d’armée, ou en premier ministre d’État : si c’est une fille, elle s’y voit couverte des ajustements et des pierreries d’une impératrice, d’une reine, ou d’une concubine chérie du prince, et tel doit être l’heureux état de leur renaissance.

C’est par ces sortes d’enchantements qu’on remue les esprits, et qu’on les dispose adroitement à la révolte. On court aux armes ; il se livre des combats, et des villes entières sont saccagées. C’est par de semblables moyens, que sous la dynastie des Han, deux rebelles causèrent une infinité de désastres, qui furent renouvelés sous la dynastie des Yuen, et plus récemment sous le règne des Ming, par d’autres chefs de révolte, qu’on doit regarder comme des pestes publiques, puisqu’ils donnèrent la mort à plusieurs millions d’hommes. On voit ces monstres de la nature, qu’on ne saurait trop punir, s’applaudir de leurs crimes, sous le glaive même du bourreau, et s’écrier par un reste d’enchantement : Nous mourons contents, nous sommes sur le point de nous rendre à ce délicieux séjour d’occident, où Fo nous attend pour nous y recevoir, et nous faire part de sa félicité. Ce sont, comme vous voyez, ces fausses doctrines, qui sont la source de tant de malheurs publics et personnels.

10° Il y a quatre sortes de professions absolument nécessaires dans l’empire, qui fournissent à tous les besoins, et qui y maintiennent le bon ordre ; savoir celle des lettrés, celle des laboureurs, celle des artisans, et celle des négociants. Les disciples du Fo et du Tao exhortent sans cesse les peuples à abandonner ces professions, pour embrasser les quatre suivantes : celle de ho chang, et des tao sseë pour les hommes, et celles de kou et de mi pour les personnes du sexe. Ces bonzes et ces bonzesses vivent aux dépens du public. Il n’y a point de mensonges, de ruses, et de finesses auxquelles ils n’aient recours pour escroquer des aumônes : puis ils vivent dans une molle oisiveté, ne se refusant aucun des plaisirs qu’une imagination corrompue leur suggère, et foulant également aux pieds les lois de la nature, et les lois civiles.

Quelle différence y a-t-il entre une vie semblable, et celle des plus vils animaux ? Ce Tamo, ce personnage si vanté, qui est venu d’Occident à