Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/88

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la Chine, passa, dit-on, neuf ans sur la montagne Tsong, dans une contemplation continuelle. Il y était immobile, les yeux fixés sur un mur, et ne changeant jamais de situation. Du reste ce fainéant contemplatif ne manquait d’aucune des choses nécessaires à la vie, on lui fournissait abondamment de quoi vivre, et se vêtir. Supposons qu’à son exemple chaque particulier le mette en tête d’imiter ce genre de vie ; que deviendront les professions les plus nécessaires ? Qui prendra le soin de cultiver les campagnes, et de faire des étoffes ? D’où tirera-t-on les vêtements et les aliments ? Peut-on croire qu’une doctrine, dont la pratique, si elle était universelle, bouleverserait tout l’empire, puisse être la véritable doctrine ? D’ailleurs il n’est pas croyable combien il se perd d’argent à bâtir et à réparer des pagodes, à dorer et à orner les idoles, à célébrer des fêtes, et à faire des processions à leur honneur : toutes ces inventions ne servent qu’à engloutir le bien le plus clair des familles. Je n’ai touché que légèrement ces dix articles ; mais je serais infini, si je voulais rapporter tout ce que j’ai vu, et ce que j’ai entendu dire des désordres que les chimères et les visions de ces sectaires ont causés dans l’empire.

Ce détail ne devait pas être du goût des assistants ; aussi l’un d’eux prenant la parole : à vous entendre, monsieur, lui dit-il, Fo, Lao, et toutes nos divinités ne sont dignes que de mépris. Ainsi plus de châtiments, plus de récompenses, plus d’esprits bienfaisants ou malfaisants : d’un seul trait de langue vous pulvérisez tout le système de notre doctrine.

Ceux qui s’entêtent d’idées populaires, répondit le philosophe, passent leur vie dans une espèce d’ivresse, et la finissent par des rêves : ils s’abîment dans un fatras de fables, dont il ne leur est pas possible de se tirer. L’espérance d’obtenir une vie heureuse par la protection des esprits, nourrit leur entêtement.

Ce penchant de la plupart des hommes, joint à leur crédulité, a fait naître au Fo et au Lao, la pensée de mettre parmi leurs dogmes un lieu de récompense, un enfer, un palais pour le maître des eaux, et pour les autres divinités, sans parler des esprits d’un ordre inférieur, et des hommes extraordinaires devenus immortels ; ils ont surtout étalé les biens que distribuent leurs dieux : ils ont placé dans le ciel un Yo hoang, chef de tous les prétendus immortels, qui distribue à ces esprits leurs emplois, comme de présider à la pluie, de distribuer les récompenses et les châtiments.

Dans le livre Yo hoang, on lit ces paroles : à l’Occident il y a le prince du royaume de la pure vertu : ce roi à quarante ans n’avait point encore de fils. Lui et la reine Pao yué en obtinrent un qui fut le fruit des ferventes prières qu’ils adressèrent à Lao kiun, et ce fils, c’est cet Yo hoang dont nous parlons. Un autre texte du livre Hiuen ou porte que dans le pays d’Occident il y a un endroit appelé le Royaume d’une joie pure ; que le roi se voyant sans enfants, en obtint un de Lao kiun, et que c’est lui qu’on honore sous les noms de Hiuen ou Tsou se.

Ajoutons ce que rapporte l’histoire du Fo : on y lit que du côté d’Occident on trouve le royaume de la pure innocence : le prince héritier de