Il fit fort frais tout le jour, quoique le temps fût très serein, mais il s'éleva un vent d'est médiocre avec le soleil, qui tint toujours l'air frais. Le 17 nous fîmes 80 lys, toujours droit à l'est, suivant la même plaine, qui était pourtant beaucoup plus inégale ; nous trouvâmes même plusieurs petites collines : nous campâmes proche d'une petite prairie pleine de bons fourrages, aux environs de laquelle il y avait plusieurs marais d'eau. Il y avait plus de trois mois que nous n'avions campé si agréablement, ni si commodément. L'eau était bonne, mais peu fraîche : nous fîmes encore partir sur le chemin quantité de perdrix de sables, et de lièvres ; on prit et on tua quelques-uns de ces derniers ; les faucons prirent aussi quelques cailles, qui sont toutes semblables à celles de France, et d'un goût aussi délicat. Il fit assez frais tout le matin, mais l'après-midi il fit un peu plus chaud ; le vent d'est qui avait régné le matin, ayant presque entièrement cessé vers le midi, le temps se couvrit vers le soir. Le 18 nous fîmes cent lys au sud-est ; le pays que nous traversâmes était un peu plus agréable que le précédent : il était semé de collines et de grandes mares d'eau, la plupart salée et remplie de salpêtre ; le terroir commençait aussi à être meilleur, le sable étant plus mêlé de terre, et portant des herbes fort hautes en plusieurs endroits. Nous vîmes aussi plusieurs petits camps de Mongous, et nous trouvâmes sur le chemin quelques petits morceaux de terres cultivées, où ces Tartares avaient moissonné du millet ; nous ne vîmes plus tant de lièvres, mais toujours beaucoup de perdrix et de cailles dans les endroits où les herbes étaient hautes : nous aperçûmes deux arbres, ce qui ne nous était pas arrivé depuis longtemps. Il ne se trouva pas d'eau qui fût bonne à boire dans le lieu où nous campâmes. Le soir un thoriamba ou Grand du palais de l'empereur, qui est mongou de nation, mais établi à la cour de Peking, vint voir Kiou kieou, et l'invita à venir dîner le lendemain dans son camp, qui n'était qu'à douze ou quinze lys de là : il y était campé depuis près de deux mois, ayant été envoyé par l'empereur sur cette frontière, pour ne pas perdre de vue les Mongous de ce pays-là, que Sa Majesté avait fait mettre sous les armes, à l'occasion de la guerre qui est entre les rois d'Eluth et de Kalka. Il plut tout le jour ; vers le coucher du soleil le temps se découvrit un peu. Le 19 nous fîmes soixante lys au sud-est : nous vînmes dîner chez ce thoriamba : le repas fut à l'ordinaire des Tartares, peu magnifique ; il consistait en viande de mouton, et en une oie mal cuite : aussi y mangeai-je bien peu ; ce que j'y goûtai de plus passable, fut d'une sorte de légumes salés, et préparés avec de la moutarde ; l'on me dit que c'était de la feuille et de la racine de moutarde même ; et un bouillon fait avec du jus de mouton, que l'on ne servit qu'après le repas par manière de thé. Le pays que nous traversâmes était encore meilleur que le jour précédent, le terrain plus mêlé de terre avec le sable, et le fourrage meilleur ; nous trouvâmes aussi plusieurs