Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/368

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attenant les bains d'eau chaude, où nous passâmes l'année dernière, lorsque l'empereur alla tenir les États de Tartarie. Sa Majesté y mangea et s'y baigna sur le soir ; Elle nous fit aussi plusieurs questions sur les bains, et nous dit qu'elle en avait vu plus de trente, en différents lieux de ses terres, et un entr'autres qui est un peu plus de vingt lieues au couchant de celui-ci, où dans l'espace d'environ dix lys de tour, il y a deux cents sources ; la plupart jettent des eaux, dont la qualité et le goût n'ont rien qui se ressemble. Le 14 la chasse se commença à l'ordinaire. L'empereur blessa un cerf à l'appeau, et ayant fait environner le lieu où il s'était sauvé, on aperçut dans l'enceinte deux grands tigres, couchés l'un auprès de l'autre, et qui paraissaient dormir ; l'empereur laissa le cerf blessé, et s'étant posté sur la pointe d'un rocher à l'opposite de ces tigres, dans une assez grande distance, il tira sur eux deux coups d'une grande arquebuse ; il en blessa un à une patte du second coup, et tous deux s'enfuirent de différents côtés ; l'empereur les fit suivre, avec ordre de remarquer le lieu où ils s'arrêteraient ; le premier fut tué par deux de ses enfants. Le huitième fils de l'empereur le blessa d'abord d'une balle qui lui entra dans le corps ; le second fils le perça d'une autre dans la tête, et le fit tomber presque mort ; les chiens se jetèrent aussitôt sur lui, mais lorsque nous nous en fûmes approchés, le tigre se leva à demi sur ses pieds, plein de rage et de furie, cherchant à dévorer ceux qui l'environnaient. L'empereur le fit aussitôt percer par ses piqueurs, qui lui enfoncèrent trois coups de lance ; avec cela ils eurent de la peine à l'arrêter. Cet animal fit des efforts étonnants, jusqu'à ce qu'il fût tout à fait mort. Ensuite l'empereur alla chercher l'autre tigre qui s'était allé coucher dans des broussailles sur le penchant d'une montagne assez roide. Sa Majesté se posta vis-à vis sur une hauteur opposée, et à peu près à la portée du fusil. Il tira trois coups ; les deux premiers n'ébranlèrent point le tigre, qui se tenait toujours dans son fort, sans qu'on pût presque l'apercevoir ; mais le troisième coup lui ayant porté une balle dans le corps, au-dessus de l'épaule gauche, il se leva promptement et s'enfuit ; à peine eut-il fait vingt ou trente pas sur le penchant de la montagne, qu'il tomba roide mort, et roula de lui-même jusqu'au bas de la vallée, où l'empereur descendit à pied pour le voir ; nous y suivîmes Sa Majesté ; les chiens étaient acharnés sur lui, le mordant de toutes leurs forces ; ce qu'ils ne font jamais qu'après que la bête est morte ; car tant qu'elle vit, ils se contentent d'aboyer après elle, sans l'approcher de trop près. Que si quelqu'un plus hardi que les autres s'en approche, le tigre ne manque pas de le dévorer ; c’est ce qui arriva à un chien, qui s'étant jeté sur ce dernier tigre pendant qu'il était couché, le tigre le prit avec une de ses griffes, le porta à sa gueule, et le tua d'un seul coup de dent. L'empereur après cette chasse, mangea en pleine campagne, et fit distribuer aux officiers de sa suite et à ses chasseurs la viande de quelques cerfs qu'on avait tués en chemin faisant. Nous revînmes au camp à nuit close ; quelque temps après notre arrivée l'empereur sortit,