Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/45

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Les lao hou ou tigres, qui infestent la Chine autant au moins que la Tartarie, sont les plus sauvages de tous ces animaux. Leur seul cri inspire une secrète horreur, quand on n'y est pas accoutumé. Ils sont d'ailleurs dans cet Orient d'une grandeur et d'une agilité, qui les rend encore plus redoutables. Leur peau est presque toujours d'un roux fauve, coupé de larges bandes noires. On en voit cependant dans le trésor des peaux du palais quelques-unes, dont les bandes noires et même grisâtres sont sur un fond assez blanc. Hors de la cour, les grands mandarins de guerre se servent de ces peaux, auxquelles ils laissent la longueur de la queue et la largeur de la tête, pour parer les chaises ouvertes, sur lesquelles on les porte dans les cérémonies : et dans cette cour les princes en couvrent pendant l'hiver les carreaux pour s'asseoir, qu'on porte toujours après eux. Tout fiers que sont ces animaux, s'ils se trouvent enfermés dans le cercle que l'empereur fait faire par ses chasseurs, qui poussent devant eux tout ce qui se trouve de bêtes fauves, ils ne laissent pas de paraître étonnés de se voir au milieu de tant de gens armés, et partagés en pelotons, ayant la lance arrêtée. Au lieu que les cerfs vont et viennent repoussés d'un côté à l'autre, cherchant à s'échapper par le vide des intervalles, le tigre au contraire s'accroupit dans l'endroit où il se trouve à la première vue de ses ennemis, et souffre même assez longtemps, sans s'émouvoir, l'aboiement des chiens qu'on envoie sur lui, aussi bien que quelques coups de flèches émoussées : mais enfin excité, ou par un excès de colère, ou par la nécessité de se sauver, il s'élance avec une rapidité incroyable, qu'on prendrait pour un saut, et court droit sur le peloton de chasseurs qu'il a en vue : ceux-ci le reçoivent sur les pointes de leurs lances, qu'ils lui enfoncent dans le ventre au moment qu'ils se dressent pour retomber sur quelqu'un d'eux. Les choses sont au reste si bien disposées, et les gens de l'empereur tellement faits à cette sorte de chasse, que dans une longue suite d'années, il n'arrive presque point d'accident. Les pao peuvent être appelés des léopards, à cause de leurs peaux blanchâtres, parsemées de petites taches rouges et noires : ils ont cependant la tête et les yeux du tigre, mais ils n'en ont ni la hauteur ni le cri. Les cerfs qui se sont multipliés comme à l'infini dans les bois et les déserts de la Tartarie, sont différents les uns des autres, soit par la couleur de leur poil, soit par la grandeur et par la figure de leur bois, selon les différents quartiers de ces vastes pays. Il y en a aussi de semblables à ceux qui se trouvent dans les divers royaumes de l'Europe. La chasse du cerf, appelée tchao lou ou chasse d'appel du cerf, est tout à fait divertissante. Le feu empereur y allait le matin avant le lever du soleil, accompagné seulement de gens choisis. Quelques Tartares prennent des testières de cerf tout à fait ressemblantes, et contrefont le cri dont ils appellent la biche. Des mâles et des plus grands la croyant déjà venue, ou