Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/52

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La première qui est devenue la plus considérable, parce qu'elle est aujourd'hui maîtresse de l'empire de la Chine, et que la plus grande partie des autres Tartares sont sous la domination, est celle des Mantcheoux, que les Moscovites appellent Bogdoyes, dont le chef est l'empereur qui règne aujourd'hui à la Chine. Ils peuvent passer pour gentils, quoiqu'ils n'aient ni temples, ni idoles, et qu'ils n'adorent proprement, ainsi qu'ils s'expriment, que l'empereur du ciel auquel ils font des sacrifices : mais ils rendent à leurs ancêtres un culte mêlé de superstitions, et depuis qu'ils sont à la Chine, quelques-uns d'entre eux adorent l'idole Fo, et d'autres idoles révérées dans l'empire ; mais ils sont beaucoup plus attachés à leur ancienne religion, qu'ils regardent comme le fondement de leur empire et la source de leurs prospérités. Leur pays est situé au nord de la province de Leao tong, la plus orientale de la Chine, et s'étend du midi au septentrion, depuis le 41e degré de latitude septentrionale, jusques vers le 53e degré : et de l'occident à l'orient environ depuis le 104e degré de longitude jusqu'à la mer Orientale. Il est borné au nord par la grande rivière que les Moscovites appellent Yamoüi ou Amour, les Chinois, Helong kiang, et les Mantcheoux Saghalien oula ; au midi par la province de Leao tong et la Corée ; à l'orient par la mer Orientale : et à l'occident par le pays des Mongous. Ce pays est fort étendu de l'orient à l'occident, mais il n'a jamais été guère habité, et l’est aujourd'hui encore moins depuis que l'empereur a attiré à Peking une partie des peuples qui y demeuraient. Il y a pourtant des villes et des bourgades fermées de murailles. On y compte aussi plusieurs villages et hameaux, dont les habitants cultivent la terre. Ses villes les plus considérables sont Oula aighou et Ningouta où l'empereur entretient garnison. Il y a des gouverneurs et d'autres officiers de guerre et de justice : c'est là qu'on envoie les criminels en exil, et c’est le moyen dont on se sert pour repeupler le pays des Mantcheoux qui se sont rendus maîtres de la Chine. L'air y est fort froid : le pays est rempli de montagnes et de forêts, et ne paraît guère différer du Canada, de la manière que s'en expliquent ceux qui en sont. J'ai entretenu tant de gens qui y ont demeuré la plus grande partie de leur vie, et qui y ont fait de fréquentes excursions : leur témoignage est d'ailleurs si conforme, que je ne puis raisonnablement douter de la vérité de ce qu'ils en rapportent. Ces Tartares n'habitent guère que le long des rivières sur le bord desquelles ils bâtissent des cabanes, et passent leur vie à la chasse et à la pêche : l'une et l'autre y sont fort abondantes, aussi en tirent-ils toute leur subsistance, principalement ceux qui sont le plus à l'orient, dont les mœurs ont quelque chose de grossier et de sauvage. Les Mantcheoux ne laissent pas de diviser ce pays en plusieurs provinces. La plus occidentale est celle de Solon, que les Moscovites appellent Dauvré, quoique Dauvré soit plutôt le nom de la nation que du pays. Cette province commence proprement à l'endroit où la rivière d'Ergoné se joint au fleuve