Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/71

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D'abord son avant-garde fut désolée par le canon ennemi : c’est ce qui l'obligea à changer de poste pour la mettre hors d'insulte : et comme il s'était placé derrière un grand marais, qui l'empêchait d'être investi par l'armée de l'empereur, il se défendit avec une bravoure incroyable jusqu'à la nuit, où chacun se retira dans son camp. L'oncle maternel de l'empereur de la Chine, qui exerçait la charge de grand maître d'artillerie, fut tué d'un coup de mousquet sur la fin de la bataille, lorsqu'il donnait les ordres pour retirer le canon. Les jours suivants se passèrent en négociations de part et d'autre : enfin on permit au roi des Eluths de se retirer avec les siens ; mais on lui fit jurer auparavant devant son Fo, qu'il ne reviendrait jamais sur les terres de l'empereur, ni de ses vassaux. Dans sa retraite, une partie de son armée périt de faim et de misère. Cette disgrâce fut suivie d'une autre : son neveu Tse vang raptan qu'il avait laissé dans son pays pour le garder, l'abandonna, et se retira fort loin avec tous ceux qui voulurent le suivre. Ce fut un coup mortel pour le roi d'Eluth : il fut trois ou quatre ans à rétablir son armée, que les malheurs de cette campagne avaient extrêmement diminuée. Cependant lorsque l'armée de l'empereur et les généraux qui la commandaient, furent de retour à Peking, on commença par instruire leur procès, quoiqu'ils eussent eu l'avantage du combat : c'est une loi parmi les Mantcheoux établie dès la fondation de la monarchie, qu'un général qui livre bataille, et ne remporte pas une victoire complète, est censé coupable, et doit être puni. Si l'empereur avait laissé agir le Conseil suivant la rigueur des lois, son frère aurait été dépouillé de la dignité de vang 1, et les autres Grands de l'empire qui avaient été de son Conseil, auraient du moins perdu leurs charges. On avait même délibéré si on ne les renfermerait pas dans une étroite prison : mais l'empereur déclara que la faute étant légère, elle ne méritait qu'un léger châtiment. Ainsi le régulo généralissime, et quelques autres officiers généraux, qui sont à peu près ce que nous appelons ducs, comtes, marquis, furent condamnés à perdre trois années du revenu de leur dignité, et les autres furent abaissés de cinq degrés. L'empereur honora extraordinairement la mémoire de son oncle, qui avait été tué dans cette action. Il conserva à son fils aîné les charges et les dignités, entr'autres celle de chef d'un des étendards, jugeant qu'elles ne devaient pas sortir de la famille d'un homme, qui avait si généreusement sacrifié sa vie pour le bien de l'État. Sa Majesté récompensa pareillement les parents de ceux qui étaient morts dans le combat, ou qui y avaient été blessés. Enfin tous ceux qui s'y étaient distingués, eurent des récompenses proportionnées à leur mérite. L'année suivante, S. M. alla tenir les États dans la Tartarie. Ce fut alors