Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/120

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sçais, c’est que leurs doutes ont donné lieu à Monsieur Pérard de dire dans une note qu’il a fait imprimer immédiatement après notre chartre : Quelques personnes dont j’estime la censure, ont eu de la peine à confeniir à la verité de cette Chartre sur des conjectures d’Histoire assez plausibles. Mais outre qu’elle se trouve originale dans la chambre des Comptes de Dijon, en la maniere qu’elle est ici rapportée, c’est qu’il y a titre pour justifier qu’on s’en est servi il y a plus de trois cens ans, & qu’elle a été reconnue en justice. Cet auteur cite ensuite quelques occasions où la chartre de Clovis a été reconnue pour autentique dans les tribunaux, et il rapporte encore une chartre de Clotaire Premier, où il est énoncé qu’il confirme le contenu dans celle de son pere Clovis.

Notre explication est propre à dissiper toutes ces difficultés. En admettant cette explication très-plausible par elle-même, les faits que la chartre contient servent autant que le lieu même où cet instrument se trouve déposé et que les autres preuves d’autenticité qu’il porte avec lui, à montrer qu’il est une piece dont la verité est incontestable.

Je ne vois qu’une difficulté qu’on puisse faire désormais avec quelque fondement sur ce sujet-là. C’est que le lieu où l’abbaye du Moustiers-Saint-Jean est bâtie, n’a point été sous la domination de Clovis. Ce lieu est dans la cité ou diocèse de Langres, et le diocèse de Langres appartenoit aux Bourguignons six ans après la mort de Clovis, puisque Grégoire évêque de Langres souscrivit au concile tenu à Epaone en cinq cens dix-sept, sous la protection et par les soins de leur roi Sigismond.

Il est vrai que tant que Clovis a vécu, le diocése de Langres a toujours été sous la domination des Bourguignons ; mais l’abbaye du Moustiers-Saint-Jean qui est bâtie à l’extrêmité septentrionale de ce diocèse, comme l’observe le Pere Daniel[1], pouvoit bien être sur le territoire de Clovis. Quoique les Bourguignons tinssent la ville capitale de la cité de Langres et la plus grande partie du plat-pays de cette cité, il pouvoit bien se faire que les Francs en eussent occupé quelque canton après le désastre de Syagrius. Nous l’avons observé déja, dans des revolutions pareilles à celle qui arriva pour lors, les bornes légales des provinces et des autres districts, ne sont pas toujours respectées : elles ne sont pas toujours celles qui limitent les acquisitions des conquerans. Ils les étendent jusques aux fleuves, aux

  1. Préface Histor.