Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/144

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quelle saint Epiphane fit la rédemption des captifs dont nous avons parlé ci-dessus, duroit encore, et il paroît même que Gondebaud la faisoit avec avantage. En effet, dès que Theodoric étoit obligé de racheter à prix d’argent ses sujets que les Bourguignons avoient faits prisonniers de guerre, il faut que Theodoric eût pris un nombre des sujets de Gondebaud moindre que le nombre des sujets de Theodoric que Gondebaud avoit pris. Si le nombre des uns et des autres avoit été égal, Theodoric eût proposé un échange, et non point un rachat.

Theodoric avoit donc besoin, s’il vouloit réussir dans ses nouveaux projets, d’avoir un allié qui portât la guerre dans le centre de celles des provinces de la Gaule qui étoient occupées par les Bourguignons, et qui fît ainsi une diversion capable de les obliger à dégarnir leur frontiere du côté de l’Italie, ce qui devoit faciliter aux Ostrogots le moyen de la franchir. Proposer aux Visigots de se charger de faire cette diversion sans les assurer en même-tems que Clovis seroit de la partie, c’étoit faire une démarche inutile. Les esprits des Romains des Gaules étant aussi mal disposés en faveur des ariens qu’ils l’étoient, les Visigots devoient craindre que Clovis ne les attaquât dès qu’il les verroit embarassés dans une guerre contre Gondebaud. Nous avons vû quelle étoit la jalousie des Visigots contre le roi des Francs, dont les Etats touchoient aux leurs, ou n’en étoient séparés que par la Loire, le plus guayable de tous les fleuves. Le roi des Ostrogots prit donc le parti de s’allier avec Clovis dont il avoit déja comme nous l’avons dit, épousé la sœur Audéflede ou Angoflede. Quant aux motifs qui auront fait entrer le roi des Francs dans cette ligue, et peut-être la proposer le premier, il est facile de les deviner. L’envie de s’agrandir, et de faire quelque chose d’agreable à la reine Clotilde, qui, comme le dit Gregoire de Tours[1], gardoit un vif ressentiment du traitement inhumain fait à ses parens par Gondebaud. D’un autre côté Clovis n’avoit rien à craindre des Visigots tant qu’il seroit l’allié de Theodoric. Voyons ce que dit Procope de ce traité de ligue offensive contre les Bourguignons, et quelles furent les conjonctures qui donnerent lieu à sa conclusion.

Cet historien contemporain, après avoir raconté tout ce qu’on a lû ci-dessus concernant la cession des Gaules faite aux Visigots par Odoacer, parle de l’agrandissement des Turin-

  1. Hist. lib. 3. cap. 6.