Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/195

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Durant la marche, Clovis qui passoit à une petite distance de la ville de Tours, eut la curiosité de consulter le Dieu des Armées, dans l’église bâtie sur le tombeau de saint Martin, pour apprendre, s’il étoit possible, quel seroit l’évenement de l’expédition que les Francs avoient entreprise. Dans ce dessein, il envoya secretement des hommes de confiance porter ses offrandes au tombeau de l’apôtre des Gaules, et il leur enjoignit de lui rendre à leur retour un compte exact, de tout ce qu’ils auroient vû ou entendu de plus propre à servir de présage, et à pronostiquer le succès de la campagne. Il s’adressa ensuite à Dieu, et il lui dit : » Seigneur, s’il est vrai que vous daigniez me proteger, & si vous avez résolu de vous servir d’un bras aussi foible que le mien pour renverser le Trône élevé par une Nation hérétique, & toujours opposée aux interêts de la Religion que vous-même vous avez enseignée, daignez manifester votre volonté à mes Serviteurs, & qu’ils en puissent appercevoir quelque signe sensible, lorsqu’ils entreront dans l’Eglise de Saint Martin. »

Les personnes chargées de la commission de Clovis, s’en acquittérent sans se découvrir, et en mettant le pied dans l’église de saint Martin, qui n’étoit point encore renfermée dans l’enceinte de Tours, elles entendirent le chantre entonner le quarantiéme verset du pseaume dix-septiéme : Seigneur, vous m’avez armé de courage dans les combats, & vous avez fait tomber fous mes coups ceux qui s’étoient levés sur leurs pieds pour me frapper. Vous avez contraint mes ennemis à tourner le dos devant moi, de vous avez confondu ceux qui me haïssoient. Cette consultation faite par Clovis, étoit-elle une action religieuse, ou bien un effet blâmable de la curiosité effrenée de pénétrer dans l’avenir, que les hommes ont toujours eue, et qui fit souvent chercher aux premiers Chrétiens dans les livres sacrés, et sur les tombeaux des saints, des présages pareils à ceux que leurs peres avoient cherchés, quand ils étoient encore payens, dans les ouvrages de Virgile, et dans les antres d’Apollon ? Que ceux ausquels il appartient de prononcer sur cette question, la décident.

Il est vrai que le concile qui s’étoit tenu dans Agde une année avant que Clovis consultât le ciel dans l’église de S. Martin, défend sous peine d’excommunication, aux clercs et