Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/198

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non pas sous Carcassonne qu’Alaric étoit campé la veille du jour où il perdit cette bataille mémorable, dans laquelle il fut tué. Ainsi, quand bien même les manuscrits de cet historien ne fourniroient rien qui autorisât notre correction, il ne faudroit point laisser de la faire, par la raison qu’il est impossible que Procope se soit trompé au point d’avoir écrit Carcassonne pour Poitiers, et qu’ainsi une telle faute devroit toujours être traitée de vice de clerc, et mise sur le compte des copistes. En second lieu, nous trouvons dans le texte d’un manuscrit de Procope de quoi autoriser la restitution que nous osons faire. Voici le fait. Dans le douziéme chapitre du premier livre de l’histoire de la guerre des Gots par Procope, Carcassonne se trouve nommée trois fois. La premiere fois qu’il en est fait mention, c’est dans le passage qui vient d’être rapporté ; et c’est pour dire qu’Alaric campa quelque tems sous cette place, et qu’il ne décampa de-là que pour donner la bataille où il perdit la vie. Les deux autres fois qu’il est fait mention de Carcassonne dans ce chapitre, c’est à l’occasion du siege que Clovis mit devant cette ville-là, quelque tems après la bataille de Vouglé, et qu’il fut obligé de lever[1]. Or le manuscrit de la bibliothéque de Joseph Scaliger, dont Hoëschelius s’est servi pour nous donner son édition du texte grec de Procope, appelle Carcassonne, Carcassiané dans les deux endroits où il s’agit du siége de cette place, et où réellement Procope a voulu parler de Carcassonne. En cela il est semblable aux autres manuscrits. Au contraire, dans l’endroit de ce manuscrit grec de Scaliger où il est parlé de Carcassonne pour la premiere fois, et à l’occasion du campement d’Alaric sous cette place avant la bataille de Vouglé, Carcassonne s’y trouve appellée Ou Carcassona. Quelle apparence que Procope ait nommé au commencement d’une page Ou Carcassona, la même ville qu’il appelle deux fois Carcassiané dans la suite de la même page. Je crois donc que Procope avoit écrit dans l’endroit que nous rétablissons, Augoustoritona, en traduisant en grec le nom latin de la ville de Poitiers qui est Augustoritum, et que la leçon Ou Carcassona n’est autre chose que le mot Augoustoritona alteré et défiguré par quelques copistes grecs qui sçavoient mal la carte des Gaules. Il est aisé de deviner comment se sera faite par degré la restitution téméraire qu’il a mis à la place du nom corrompu Ou Carcassona, le nom de Carcassiané qui se trouvoit deux fois dans la suite de la même page.

Sans redire ici pour autoriser notre hardiesse, ce que l’on

  1. Procopius Hoesch. pag. 185.