Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/233

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ainsi, Clovis tenoit déja le sceptre dans la main droite, et l’empereur Anastase en le faisant consul, lui mit la main de justice dans la main gauche. Enfin, le prince dont Clovis se reconnoissoit de nouveau l’officier, en acceptant la dignité qui venoit de lui être conferée, faisoit son séjour à Constantinople. éloigné des Gaules à une si grande distance, il ne pouvoit pas y avoir d’autre autorité que celle dont il plairoit au roi des Francs de l’y faire jouir. Ainsi l’on avoit raison de s’adresser à Clovis, non-seulement comme au consul, mais comme à l’empereur lui-même.

Autant qu’on peut le conjecturer en se fondant sur ce qu’on sçait des maximes politiques des Romains et de la situation où l’empire étoit alors, Clovis après avoir exercé le consulat durant l’année cinq cens dix, devoit continuer à gouverner toujours les Gaules, du moins en qualité de Patrice ou de proconsul. Il auroit été trop difficile de mettre en possession son successeur au consulat. Pourquoi donc le nom de Clovis n’est-il pas écrit dans les Fastes sur l’année cinq cens dix, puisqu’il étoit cette année-là consul ? Pourquoi ne trouve-t-on sur cette année dans les Fastes de Cassiodore, dans ceux de Marius Aventicensis et dans les autres qui passent pour autentiques, qu’un seul consul, le celebre Boéce, alors un des ministres de Theodoric, et si connu par ses écrits et par ses malheurs ?

Je réponds. L’objection seroit d’un grand poids, si nous avions encore les fastes publics qui se rédigeoient alors dans les Gaules, et sur lesquels on écrivoit jour par jour, ainsi qu’il le paroît quand on lit la mention qu’en fait Grégoire De Tours les évenemens qui interessoient particulierement cette province de l’empire ; mais nous n’avons plus ce journal, et pour parler comme Tacite[1] le Diurna Actorum scriptura du prétoire des Gaules. Les Fastes autentiques du sixiéme siécle qui nous sont demeurés, et qui nous apprennent nûement le nom des consuls, sont encore, ou des Fastes redigés par des particuliers, ou tout au plus des fastes publics rédigés dans Rome ou dans Arles. Theodoric étoit le maître dans ces deux villes, et ce prince n’aura pas voulu qu’on inscrivît le nom de Clovis dans nos monumens, parce qu’il devoit être mécontent que les Romains d’Orient eussent conferé au roi des Francs une dignité dont il pourroit bien se prévaloir un jour contre les Ostrogots. Ils devoient

  1. Tacit. Ann. lib. cap. 3.