Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/234

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apprehender que Clovis n’entreprît de faire valoir son autorité de consul dans la partie du partage d’occident dont ils étoient maîtres. Enfin il paroît qu’Anastase avoit en conferant la dignité de consul d’occident à Clovis, donné atteinte au concordat qu’il avoit fait avec Theodoric, puisque suivant cette convention dont nous avons déja parlé, le consulat d’occident ne devoit être rempli que par le sujet que le roi des Ostrogots presenteroit à l’empereur d’orient pour être nommé consul.

Dès que l’on a quelque connoissance des usages de l’ancienne Rome, on reconnoît dans la ceremonie que Clovis fit à Tours pour prendre solemnellement possession du consulat, la marche de ceremonie que faisoient ceux qui entroient en exercice des fonctions de cette dignité, et qui s’appelloit Entrée consulaire, ou Processus consularis.

Quelques-uns de nos meilleurs historiens, fondés sur le témoignage d’auteurs, qui n’ont écrit que sous la troisiéme race de nos rois, ou sur leurs propres conjectures, ont prétendu qu’Anastase n’avoit point conferé le consulat à Clovis, mais seulement le patriciat. Je ne serai pas long à les réfuter.

Gregoire De Tours qui a vêcu dans un siecle où il y a eu encore des consuls et des patrices, et qui a vû tant de personnes qui avoient vû Clovis, n’a point pû si méprendre, ni dire que Clovis avoit été fait consul s’il eût été vrai que ce prince avoit été fait seulement patrice. Notre historien[1] sçavoit trop bien pour cela la difference qui étoit entre ces deux dignités, et que le patriciat, quoiqu’il fût une dignité superieure à celle de préfet d’un prétoire, étoit néanmoins subordonné au consulat, ainsi que nous l’avons montré dans le dix-neuviéme chapitre du second livre de cet ouvrage.

D’ailleurs, aucun des deux premiers auteurs qui ont écrit sur l’histoire de France après Gregoire De Tours, et qui ont écrit sous la premiere race, ne dit que Clovis ait alors été fait seulement patrice. Frédégaire ne parle ni du patriciat ni du consulat de Clovis ; l’auteur des Gestes des Francs dit au contraire, que ce fut le consulat que l’empereur Anastase confera au roi Clovis ; que ce dernier, qui étoit à Tours lorsqu’il reçut les lettres de provision de la dignité de consul, y en prit solemnellement possession, et que dès-lors chacun eut recours à lui comme étant consul ; et même, comme s’il avoit été empereur. Hincmar écrit aussi dans la vie de saint Remy, que Clovis fut fait consul

  1. Zofim. hist. Lib. 2. page 118.