Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/239

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viendroit elle-même une portion du peuple Romain avec qui elle se confondroit ? C’étoit le seul moyen de rétablir l’empire d’Occident dans sa premiere splendeur, comme de donner à l’empereur d’Orient un collegue qui eût les mêmes interêts que lui, un collegue dont il pût se flatter de recueillir la succession au cas qu’un jour elle devînt vacante. Les Romains d’Occident dont on écoutoit les representations à Constantinople, devoient avoir de leur côté de pareilles vûës. Dès qu’il n’étoit plus question que de choisir le peuple que la nation Romaine adopteroit, pour ainsi dire, la nation Romaine devoit donner la preference aux Francs les moins barbares de tous les barbares et les plus anciens alliés de l’empire. D’ailleurs, les Francs étoient le seul de ces peuples qui fît profession de la religion catholique, et qui fût de même communion que les Romains d’Occident. Il est vrai qu’Anastase lui-même n’étoit pas trop bon catholique ; mais son erreur n’étoit point la même que celle des Gots et des Bourguignons, et les sectaires haïssent plus les sectaires dont la confession de foi est differente de la leur, qu’ils ne haïssent les catholiques. L’esprit humain si sujet à l’orgueil, s’irrite plus contre les hommes, qui voulant bien sortir de la route ordinaire, refusent cependant d’entrer dans la voye qu’on leur enseigne, et qui osent en choisir d’autres, qu’il ne s’irrite contre ceux qui malgré ces raisonnemens, veulent continuer à marcher dans la route que leurs ancêtres ont tenuë. L’homme se contente de regarder ces derniers comme des personnes qu’un fol entêtement rend à plaindre ; mais il hait les premiers comme des personnes qui lui refusent la justice qu’il croit mériter.

Enfin Theodoric roi des Ostrogots étoit suspect par bien des raisons, à la cour de Constantinople ; et l’empereur d’Orient, qui avoit alors des affaires fâcheuses, faisoit un coup d’Etat en lui donnant en Occident un rival aussi capable de le contenir, que l’étoit le roi des Francs, qui promettoit sans doute tout ce qu’on vouloit.

Nous serions au fait des engagemens que Clovis peut avoir pris alors avec Anastase, si nous avions l’acte de la convention qu’ils firent, et même si nous avions seulement la lettre que l’empereur Justinien, un des successeurs d’Anastase écrivit vers l’année cinq cens trente-quatre au roi Theodebert fils du roi Thierry, le fils aîné de Clovis, pour féliciter Theodebert sur son avenement à la couronne. Malheureusement cette lettre de Justinien est encore perduë, et nous n’avons plus que la réponse