Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/246

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tant que chacune des autres tribus des Francs auroit un roi particulier et indépendant de lui. En effet, il étoit à craindre que ces princes, mortifiés de voir une puissance n’agueres aussi médiocre que la leur, lui être devenuë tellement superieure, qu’elle pouvoit les assujettir, ne se liguassent pour la détruire, soit avec ses sujets mécontens, soit avec les étrangers. En effet ils n’avoient plus d’autre ressource contre les entreprises d’un roi qui avoit une grande partie des richesses des Gaules à sa disposition, que de se réunir pour l’abbattre : chacun de nos princes étoit trop foible pour résister avec ses seules forces. Ce que Clovis ne craignoit pas pour lui, il pouvoit le craindre pour sa posterité. Je crois donc qu’il ne fit que prévenir les autres rois des Francs. Clovis n’a paru criminel à la posterité que parce qu’il fut plus habile qu’eux. On voit en effet par l’histoire, que la plûpart des chefs des tribus dont Clovis se défit, étoient des hommes souverainement corrompus et sanguinaires, et l’on sçait à quels excès la jalousie d’ambition, encore plus ardente dans le cœur des souverains que dans celui des autres hommes, a coutume de porter les princes les moins violens. Le motif d’abbatre une puissance dont le pouvoir semble exhorbitant, engage souvent dans des entreprises injustes, les potentats qui se piquent le plus d’équité, et lorsqu’ils s’y trouvent une fois engagés, ils ne rougissent point d’entrer dans les complots les plus iniques et les plus odieux, afin de se tirer des embarras où ils se sont mis.

Il se peut donc bien faire que Clovis en exécutant contre les autres rois ses parens tout ce que nous allons rapporter, n’ait ôté les Etats et la vie qu’à des princes qui avoient attenté les premiers à sa vie et sur ses Etats. En verité il est difficile de penser autrement quand on entend Gregoire de Tours, qui sçavoit sur ce sujet-là beaucoup plus qu’il n’en dit, parler de la destinée funeste de quelques-uns des rois Francs que Clovis fit mourir, comme ce saint auroit pû parler d’un avantage remporté par Clovis dans le cours d’une guerre juste, et sur des ennemis déclarés. C’est même en imitant le style de l’Ecriture sainte que s’explique notre pieux évêque, lorsqu’il écrit ces évenemens. Il dit donc après avoir raconté le meurtre de Sigebert roi des Ripuaires et celui de Clodéric fils de ce prince : » La Provi-