Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/254

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résolus à laisser croître leurs cheveux, & à l’assassiner. Il leur fit donc le même traitement qu’ils vouloient lui faire. Après leur mort, il s’empara de leur trésor, il se mit en possession du pays où ils s’étoient cantonnés, & il obligea les Francs & les Romains, Sujets de ces Princes, à le reconnoître pour Souverain. »

Comme la distinction la plus sensible, qui fût alors entre les Francs & les Romains, venoit de ce que les premiers portoient de longs cheveux, au lieu que les Romains les portoient extrémement courts ; on conçoit bien, que couper à un Franc sa chevelure, c’étoit le retrancher de la Nation, & le rendre & déclarer incapable de toutes les places & dignités, qu’on ne pouvoit pas posseder à moins qu’on ne fût Franc. La Royauté devoit être une de ces Dignités. C’est de quoi nous parlerons encore dans d’autres endroics de notre Ouvrage.

Gregoire de Tours reprend la parole. » La dissolution où vivoit le Roi Ragnacaire, qui avoit son établissement à Cambray, étoit si grande, que la crainte de faire tort à l’honneur de ses parens, ne le recenoit point dans ses débauches. Faron son principal Ministre n’avoit point plus de vertu que son Maître, qu’il gouvernoit néanmoins si absolument, que ce Prince parloit toujours de ce serviteur, comme d’un égal, comme d’un homme associé à la Royauté. Les Francs Sujets de Ragnacaire souffroient donc avec indignation la faveur excessive de ce Faron, & Clovis qui étoit bien informé, entreprit de les gagner par des liberalités. Entr’autres présens, il leur distribua un grand nombre de bracelets de cuivre doré, en laissant entendre qu’ils étoient d’or fin. Quand ce Prince se fut assuré d’eux, il entra brusquement à la tête d’une armée dans les Etats de Ragnacaire, qui sur le champ manda sa milice, & puis envoya reconnoître les ennemis qui venoient à lui. Lorsqu’ils furent à une petite distance du lieu où il se trouvoit alors, ceux à qui Ragnacaire avoit donné la derniere commission, le trahirent, en lui rapportant, que les troupes qu’on voyoit s’avancer, étoient une partie de sa