Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/256

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moins un jour il lui échapa de dire devant beaucoup de monde : Malheureux que je suis, j’ai perdu tous mes parens, & je me trouve en quelque maniere étranger dans mes propres Etats. S’il m’arrivoit une disgrace, je ne pourrois plus avoir recours à ces personnes que les liens du sang obligent à prendre notre parti en tout tems & dans toutes les occasions. Mais ce Prince ne parloit pas de bonne foi, lorsqu’il s’expliquoit ainsi, c’étoit dans la vûe de donner envie à ceux de ses parens, qui s’étoient cachés, de se découvrir, & avec l’intention de leur faire le même traitement qu’il avoit fait à ceux qu’il feignoit de regretter. » On verra par la suite de l’Histoire, que quelques-uns des parens collateraux de Clovis, étoient échapés à ses recherches.

Clovis étoit un Prince trop habile pour ne se tenir pas plus assuré de tous les Francs, qui portoient alors, s’il est permis de s’expliquer ainsi, l’épée de la Gaule, lorsqu’ils seroient commandés par des Officiers militaires qu’il instituoit & destituoit à son gré, que s’ils demeuroient sous les ordres de plusieurs Rois ses parens & ses amis autant qu’on le voudra, mais indépendans de lui au point, qu’il ne pouvoir les engager à le servir, qu’en négociant avec eux, & qui d’ailleurs avoient toujours le pouvoir de lui nuire.

On voit sensiblement par la narration de Gregoire de Tours, que Clovis, qui craignoit tous les autres Rois des Francs, ne craignoit en même tems que ses parens collateraux ; & c’est ce qui confirme la remarque faite par plusieurs de nos Ecrivains modernes : Que toutes les Tribus des Francs, lorsqu’elles avoient un Roi à élire, choisissoient toujours un Souverain entre les Princes de la même Maison. Il n’y avoit dans la Nation des Francs bien qu’elle fût divisée en plusieurs Tribus, qu’une seule Maison Royale.

Suivant les apparences, Clovis employa les dix-huit mois qu’il vêcut encore après avoir pris possession de la Dignité de Consul, à se défaire des Rois des autres Tribus des Francs, & à s’emparer de leurs Etats. Du moins nous ne sçavons point qu’il ait fait autre chose pendant ce tems-là, si ce n’est de procurer l’Assemblée du premier Concile National tenu à Orleans depuis l’établissement de la Monarchie Françoise dans les Gaules.