Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/283

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premiere constitution de la monarchie Françoise n’a point reçû sa forme en vertu d’aucun plan conçu dans de bonnes têtes, et arrêté après de profondes reflexions. Ce furent les convenances et le hazard qui déciderent de la premiere conformation de cette monarchie. Nous trouverons encore dans sa premiere constitution bien d’autres vices que celui dont nous venons de parler.

Il se presente ici naturellement une question. On a vû que lorsque Clovis mourut, Clodomire, l’aîné des trois fils qu’il avoit de la reine Clotilde, et qui étoient actuellement vivans, ne pouvoit avoir gueres plus de dix-sept ans. Par consequent Childebert n’avoit au plus que seize ans, et Clotaire n’en avoit que quinze. Qui aura gouverné les Etats de ces trois princes jusqu’à leur majorité ? Avant l’édit de Charles V qui déclare nos rois majeurs dès qu’ils ont atteint la quatorziéme année de leur âge, ces princes, ainsi que leurs grands feudataires, n’étoient majeurs qu’à vingt et un an, et l’on peut croire que ce premier usage, dont on ne connoît point l’origine, est aussi ancien que la monarchie.

Les monumens de notre Histoire ne contiennent rien qui fournisse de quoi répondre à la question. Autant qu’on peut conjecturer, la reine Clotilde, qui avoit et tant de sagesse et tant de credit, aura gouverné les Etats de ses fils jusqu’à leur majorité. Ce qui peut fortifier cette conjecture, c’est, comme nous le verrons, qu’après la mort de son fils Clodomire, elle éleva auprès d’elle les princes ses petits-fils, que leur pere avoit laissés encore enfans, et que durant ce tems-là elle avoit l’administration du royaume sur lequel ils devoient regner. Elle a bien pû faire pour ses fils la même chose qu’elle fit dans la suite pour ses petits-fils. Il est vrai que Gregoire de Tours dit que cette princesse se retira au tombeau de saint Martin après la mort de Clovis, et qu’elle alloit rarement à Paris ; mais on peut interpréter ce récit, et entendre qu’elle s’y retira seulement après qu’elle eut remis ses fils, devenus majeurs, le gouvernement des Etats qui leur appartenoient, et que depuis elle ne quitta jamais sa retraite que malgré elle. En effet, on voit par plusieurs endroits de l’histoire de Gregoire de Tours, dont nous rapporterons quelques-uns, que cette princesse, toute détachée du monde qu’elle étoit, ne laissa point d’avoir la principale part dans la guerre que ses fils entreprirent contre les Bourguignons, et dans d’autres évenemens considerables. On voit encore dans