Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/288

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lui sont étrangers, et qui peuvent être arrivés entre le tems où elle a été entreprise, et le tems où elle a été consommée. Commençons par l’histoire de la conquête du royaume des Turingiens.

Nous avons vû[1] que les Turingiens de la Germanie, étoient une nation qui avoit eu anciennement sa demeure au de-là de l’Elbe. Dans le cinquiéme siecle, et lorsque les peuples qui habitoient sur la frontiere de l’empire Romain, eurent franchi ses barrieres et deserté leurs propres pays pour occuper son territoire, les nations dont la partie étoit au de-là du pays habité precédemment par les peuples conquérans, s’avancerent dans ce pays abandonné, ou reduit du moins à un petit nombre d’habitans. Elles s’en mirent en possession. Si ce pays abandonné étoit moins cultivé, s’il étoit moins riche en bâtimens, et moins abondant en toute sorte de commodités, que le territoire de l’empire, du moins étoit-il un peu mieux en valeur, et plus rempli de logemens commodes, que les anciennes patries des nations qui s’y transplantoient, parce que ses habitans avoient été long-tems en commerce avec les Romains établis dans le voisinage. Ce fut donc sans doute à la faveur de la transmigration arrivée quand la plûpart des Francs quitterent la Germanie pour venir s’établir dans les Gaules, que nos Turingiens passerent l’Elbe, et qu’ils vinrent de leur côté s’établir sur la gauche de ce fleuve. Suivant les apparences, ce fut aussi pour lors qu’ils s’associerent avec les Varnes et avec les Herules. Nous avons vû que dès les premieres années du sixiéme siecle, ces trois nations étoient déja unies, et qu’elles ne faisoient qu’une même societé.

Le peuple composé de ces trois nations s’empara donc d’une partie de l’ancienne France, que ses habitans réduits à un petit nombre d’hommes par le départ de leurs compatriotes qui étoient allés s’établir dans les Gaules, n’étoient plus en état de bien défendre. ç’aura été dans cette occasion que le peuple mêlé, dont nous parlons, aura commis contre les Francs tous les excès de cruauté et de barbarie que lui reproche le roi Thierri dans un discours que nous rapporterons en sa place. Les Turingiens occuperent encore plusieurs pays de la Germanie intérieure, qui d’un côté étoient contigus à l’ancienne France, et de l’autre s’étendoient au de-là de l’Unstrut. Quelles que fussent les bornes de leur monarchie, elle s’étoit accrue aussi promtement dans la Germanie, que la monarchie Françoise s’étoit ac-

  1. Voyez ci-dessus, liv. 2. Ch. 7.