Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lié des éperons qui les piquoient sans cesse, de maniere que ces animaux devenus furieux, s’emportoient à travers les bois les plus fourés, qui bientôt avoient mis en piece nos malheureuses victimes. Plusieurs Francs furent liés aux jantes des roues de leurs propres chariots que notre ennemi surchargeoit encore, & qu’il faisoit ensuite rouler par des chemins où il avoit mis auparavant des solives en travers. Après que ces infortunés avoient eu les os rompus, on les exposoit tout vivans aux chiens & aux vautours, afin qu’ils devinssene la proye de ces animaux, contre qui leurs bras ne pouvoient plus les défendre. D’ailleurs vous n’ignorez pas qu’Hermanfroy a manqué à ce qu’il m’avoit solemnellement promis, & qu’il n’a point voulu accomplir ce qu’il étoit obligé d’effectuer. Marchons sous les auspices du Dieu des Armées, du Dieu de la Justice, pour tirer raison de tant d’outrages & de tant d’iniquités. » Les Francs échauffés par ce qu’ils venoient d’entendre, répondirent tous d’une voix, qu’ils étoient prêts à suivre Thierri, s’il vouloit les mener dans la Turinge. Il se mit donc en campagne, ayant avec lui Theodebert son fils, et Clotaire son frere. Quand les Turingiens eurent appris que les Francs venoient les attaquer, ils eurent recours, pour se défendre, à tous les stratagêmes de la guerre. Voici une des ruses qu’ils mirent en œuvre. Ils creuserent d’espace en espace, dans le terrain qui étoit à la tête de leur camp, des fosses assez profondes, dont ils recouvrirent si bien les ouvertures avec du gazon et des branchages, qu’il étoit difficile de s’appercevoir qu’on eût remué la terre dans ces endroits-là. En effet, lorsque les Francs marcherent pour charger leur ennemi, il y en eut plusieurs dont les chevaux mirent les pieds dans ces trous, et s’abbatirent ; ce qui d’abord causa quelque désordre. Mais les Francs apprirent bientôt à reconnoître les endroits où l’on avoit tendu des pieges de cette espece, et l’attention qu’ils apporterent à les éviter, ne les empêcha point de charger l’ennemi avec tant d’impétuosité, que bientôt ils l’eurent mis en fuite. Hermanfroy abandonna le champ de bataille des premiers, et suivi de quelques-uns des siens, il se retira, marchant toujours sans s’arrêter, jusques à ce qu’il fût arrivé sur la rive gauche de l’Unstrut. C’est