Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/309

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pour le parti qui peut se vanter avec justice, quand elle est finie, d’avoir fait réussir ses projets, et d’avoir fait avorter ceux de l’ennemi. Ce parti-là est réputé avoir eu la supériorité sur ses ennemis, quand bien même il n’auroit remporté d’autre avantage sur eux, que celui de les avoir empêchés par ses campemens d’assieger la place qu’ils vouloient prendre. Quelles qu’ayent été les manœuvres de guerre qu’il a faites pour arriver à son but, dès qu’il l’atteint, elles tournent à sa gloire. Un general est quelquefois autant loué pour avoir sçû éviter en certaines circonstances de donner bataille, qu’il le seroit pour en avoir gagné une. L’axiome qu’un grand capitaine se bat quand il lui plaît, et non quand il plaît à l’ennemi, est devenu la maxime de tous les camps ; et Fabius le Cunctateur trouveroit autant de justice dans notre siecle, qu’il en trouva peu la premiere année de son commandement. Mais les barbares établis dans les Gaules n’étoient point encore assez éclairés dans le sixiéme siecle de l’ère chrétienne, pour assigner aux qualités morales leur véritable rang, et pour faire plus de cas du capitaine courageux et prudent, que du guerrier fougeux et témeraire. Refuser alors d’accepter une bataille que l’ennemi présentoit, c’étoit la perdre ; et qui faisoit un mouvement en arriere, étoit réputé vaincu. Voilà pourquoi tant de guerres qui semblent d’abord avoir dû être très-longues à cause des interêts, des forces et des ressources de ceux qui les avoient à soutenir, ont été néanmoins terminées en une campagne.

Sigismond qui ne pouvoit que gagner en temporisant, puisqu’il s’agissoit de défendre son propre pays, et qu’il avoit affaire à une ligue, se crut néanmoins obligé, dès que les Francs furent entrés dans ses Etats, à tenir la campagne, et même à donner une bataille. Il la perdit, et désesperant de pouvoir faire tête aux vainqueurs, il prit le parti de se réfugier dans le monastére de saint Maurice, où, suivant ce qu’on peut conjecturer, il vouloit renoncer au monde. Pour exécuter cette résolution, il commença par se couper les cheveux, et s’habiller en religieux, et puis il se retira seul dans un hameau, où il se tint caché, en attendant qu’il pût trouver une occasion favorable de gagner son monastere de saint Maurice en Valais. Malheureusement pour lui, ses propres sujets le trahirent, et ils enseignerent aux Francs le lieu où il se tenoit caché. Il y fut fait prisonnier de guerre, et on convint de le donner en garde à Clodomire, qui avoit déja en sa puissance la femme et les enfans