Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/32

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son séjour ordinaire. » Les expressions dont Gregoire de Tours se sert ici, signifient que Syagrius fit une course très-prompte pour se rendre à Toulouse, et nous verrons dans la suite de cet ouvrage, qu’il y avoit encore alors dans les Gaules une poste reglée, et servie suivant l’usage des Romains. Nous verrons même qu’elle y subsistoit encore sous le regne des petits-fils de Clovis.

Le lecteur fera de lui-même une observation sur ce qui vient d’être rapporté. C’est que Syagrius s’il eût commandé en chef dans toute la partie des Gaules, qui n’étoit pas encore occupée par les barbares, comme on le suppose ordinairement, n’auroit point été jusqu’à Toulouse pour trouver un azile. Si toute la partie des Gaules, qui étoit encore libre, lui eût obéï, au lieu de s’enfuir si loin après avoir perdu la bataille qu’il donna dans le Soissonnois, il se seroit retiré derriere la Seine, où il auroit pû avec le secours des Armoriques rassembler une nouvelle armée. Syagrius du moins se seroit jetté dans Orleans, dans Bourges, ou dans quelqu’une des places d’armes que les Romains avoient sur la Loire, et près desquelles la plûpart des troupes reglées qui leur restoient dans les Gaules, avoient leurs quartiers, comme nous le verrons bien-tôt. Ainsi puisque Syagrius se sauva d’abord à Toulouse, et qu’il ne sçut faire mieux que de se mettre au pouvoir d’un roi barbare au peril d’être bientôt livré à Clovis : on en peut conclure qu’il n’étoit le maître que dans son petit Etat, et que non-seulement, comme il a été dit ci-dessus, il ne commandoit point en chef dans la partie des Gaules qui étoit encore libre, mais qu’il n’étoit point même aussi accrédité que le roi des Francs dans les provinces obéïssantes et dans les provinces confédérées.

Dès que Clovis eût été informé du lieu où s’étoit réfugié Syagrius, il le fit demander par ses envoyés, qui menacerent Alaric des armes des Francs, s’il ne leur remettoit pas entre les mains l’ennemi de leur maître. Le roi des Visigots, nation qui suivant Gregoire de Tours étoit très-susceptible de crainte, appréhenda d’irriter contre lui les Francs, s’il s’obstinoit à proteger ce Romain infortuné, et il le livra aux ministres de Clovis. Dès que ce prince eut Syagrius en son pouvoir, il le fit