Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/320

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trois jeunes Princes furent à peine entrés dans le Palais, qu’on les renferma dans une chambre, & qu’on s’assura de leurs Gouverneurs & du reste de leur suite, en les faisant passer dans une autre. Quand Childebert & Clotaire se virent les maîtres absolus de la destinée de leurs neveux, ils firent porter à Clotilde par Arcadius, Sénateur de la Cité d’Auvergne, une paire de ciseaux & une épée nuë. Ce Sénateur, suivant la commission, dit à la Reine, en lui présentant les ciseaux & l’épée : Princesse, vos fils remettent à votre décision la destinée des enfans de Clodomire. Voulez-vous qu’on les laisse vivre après leur avoir coupé les cheveux, ou aimez-vous mieux qu’on les fasse mourir. Sainte Clotilde fut saisie d’horreur à ce message, auquel elle ne s’attendoit en aucune maniere, & la vûë de l’épée nuë & des ciseaux acheverent de la mettre hors d’elle-même. Elle répondit donc dans un premier mouvement, qui, ne lui laissant pas l’usage de la raison, l’empêchoit d’appercevoir les conséquences des paroles qui lui échappoient : J’aime mieux voir mes petits-fils poignardés que de les voir tondus & déchus de la Couronne. Qu’ils meurent ou qu’ils regnent. Arcadius, au lieu de faire réflexion que le discours de la Reine étoit l’effet d’un premier transport, & au lieu d’attendre qu’elle fût en état de penser à ce qu’elle avoit à répondre, vint au plus vîte dire à ceux qui l’employoient : Vous pouvez maintenant consommer votre ouvrage avec l’aveu de votre mere. Voici sa réponse, & il la leur rendit mot pour mot. Aussi-tôt Clotaire saisit par le bras Theobald l’aîné des trois freres ; & l’ayant jetté par terre, il le tua d’un coup d’épée dans la poitrine. Gonthier cadet du Prince mort, se jetta incontinent aux pieds de Childebert, & serrant entre ses bras les genoux de son oncle, il lui dit en pleurant : Mon pere, mon pere, ayez pitié de moi, & ne me laissez pas tuer comme mon frere. Childebert fut attendri véritablement, & ayant lui-même les larmes aux yeux, il dit à Clotaire : Mon cher frere, au nom de Dieu, accordez-moi la vie de cet enfant ; je consens à tout moyennant cela ; mais ne le tuons pas. La fureur de Clotaire étoit si grande, que loin de se laisser toucher, il répliqua au Roi Childebert : écar-