Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/365

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service de Vitigès, ils lui envoyoient des soldats que leur qualité de barbares devoit lui attacher. D’ailleurs on pouvoit désavouer ces Bourguignons en gardant quelqu’apparence de bonne foi. On aura écrit à Bélisaire, qu’il ne devoit pas imputer aux rois des Francs, le parti qu’avoient pris quelques Bourguignons, qui s’en alloient servir Vitigès : qu’il étoit bien vrai que ces Bourguignons étoient de leurs sujets ; mais qu’ils n’étoient subjugués que depuis quatre ans, et qu’ils n’étoient pas encore bien soumis : qu’ainsi le corps de troupes dont il s’agissoit n’étoit composé que d’hommes inquiets et de brouillons, qui après s’être évadés de leurs quartiers, malgré toutes les précautions qu’on avoit prises pour l’empêcher, s’étoient attroupés dans les gorges des Alpes, pour aller chercher fortune sous des chefs qu’ils s’étoient eux-mêmes choisis : que tous ces gens-là n’avoient aucune commission de leur souverain, et que Bélisaire, s’il le jugeoit à propos, seroit le maître, lorsqu’ils tomberoient entre ses mains, de les faire tous pendre comme gens sans aveu ; qu’on lui conseilloit cependant de ne point user de ce droit, parce qu’au fond ces Bourguignons étoient de braves gens, et que d’ailleurs ils étoient assez brutaux pour user de représailles sur les prisonniers de guerre qu’ils ne manqueroient pas de faire.

Enfin les rois Francs, en faisant passer au-delà des Alpes dix mille Bourguignons, se défaisoient d’un grand nombre de sujets audacieux, ennuyés de leur condition presente, et par conséquent toujours disposés à s’attacher au premier brouillon qui voudroit remuer. Ces princes firent dans le sixiéme siécle la même chose que fit dans le dernier siecle Charles Second roi de la Grande-Bretagne, lorsqu’immédiatement après l’heureuse restauration de la royauté dans sa monarchie, il eut la politique d’envoyer au secours du roi de Portugal Don Alphonse Le Victorieux, les vieilles bandes angloises qui avoient servi sous Olivier Cromwel.

Quoique nos rois désavoüassent les Bourguignons qui avoient joint l’armée de Vitigès, il étoit impossible que Justinien ne vît bien que ces barbares n’avoient rien fait que par ordre de leurs souverains, d’autant plus que l’exécution du traité de cession, qui n’avoit pû être cachée, mettoit en évidence qu’il y avoit une secrete et très-intime liaison entre les Francs et les Ostrogots. Mais supposé que l’empereur attendît quelque preuve encore plus claire, pour se convaincre que les Francs ne se croyoient plus obligés, par des raisons que ses historiens auront suppri-