Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/388

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lieu dans l’ordre civil, aussi bien que dans l’ordre ecclésiastique.

Chaque cité subsista en forme de corps politique, et elle continua d’être divisée en cantons, ainsi qu’elle l’étoit avant que les Francs fussent les maîtres des Gaules. C’est de quoi nous parlerons plus au long, en expliquant quel étoit sous nos premiers rois le gouvernement civil dans chaque cité. Mais avant que d’entrer dans cette discussion, il convient d’exposer quel étoit le peuple par qui les Gaules étoient alors habitées, et quelle y étoit la condition des sujets ; point d’une si grande importance dans le droit public des Etats.

Le peuple des Gaules, ainsi que celui de l’Espagne, de l’Italie et des autres provinces de l’empire Romain, dont les barbares venoient de se rendre maîtres, étoit bien different de ce qu’il est aujourd’hui. Aujourd’hui par exemple, tous les habitans de la France qui sont nés dans le royaume, sont réputés être de la même nation. Ils sont tous François ; mais dans le sixiéme siecle et dans les siecles suivans, les Gaules étoient habitées par des nations differentes, qui étoient mêlées ensemble sans être pour cela confonduës. Ces nations, bien qu’elles cohabitassent dans le même pays, étoient alors, et même elles sont demeurées pendant plusieurs générations, des nations distinctes et differentes les unes des autres par les mœurs, par les habits, par le langage, et ce qui est de plus essentiel, par la loy particuliere suivant laquelle elles vivoient. Durant plusieurs générations et même jusques aux derniers rois de la seconde race, les habitans des Gaules étoient compatriotes sans être pour cela concitoyens. Ils ont été tous durant long-tems également regnicoles, sans être pour cela de la même nation. Voici la peinture que fait Agobard, archevêque de Lyon dans le neuviéme siecle, de la constitution de la societé, telle qu’elle étoit de son tems dans la monarchie Françoise, et nous avons eu déja plusieurs fois occasion de dire que la constitution du royaume a été la même sous les rois Mérovingiens et sous les rois Carlovingiens. Agobard dit donc dans un mémoire qu’il présenta à Louis Le Débonnaire, pour l’engager à abroger la loi des bourguignons. » Je laisse à votre bonté à juger si la Religion & si la Justice n’ont pas beaucoup à souffrir de cette diversité de Loix qui est si grande, qu’il est commun de voir dans le même Pays, dans la même Ciré, que dis-je, dans la même maison, des personnes qui vivent suivant des Loix differentes. Il