Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/389

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arrive souvent que de cinq personnes qui conversent ou qui se promenent ensemble, il n’y en a point deux qui suivent la même Loi temporelle, quoiqu’elles soient toutes de la même Religion, la Religion Chrétienne. »

Aujourd’hui c’est le lieu de la naissance qui décide de quelle nation est un homme. Tout homme qui est né d’un pere habitué en France est réputé François, de quelque contrée que ce soit que son pere ait été originaire. Dans le cinquiéme siecle et dans les siecles suivans, c’étoit la filiation et non pas le lieu de la naissance qui décidoit de quelle nation on devoit être. En quelque province des Gaules, par exemple, que fût né un Bourguignon, il étoit toujours réputé Bourguignon. Les descendans de ce fils étoient encore de même nation que lui, en quelque lieu du royaume que ce fût que le pere eût été domicilié. Il en étoit de même en général, et nous l’avons déja dit, des habitans de l’Espagne et de ceux de l’Italie. Voilà pourquoi un peuple habitoit alors durant plusieurs années dans un pays sans en prendre le nom, et sans lui donner le sien. On étoit accoutumé en Europe durant le sixiéme siecle et les deux siecles suivans, à ce qui paroît aujourd’hui extraordinaire. Tous les écrivains ne remarquent-ils pas comme une chose singuliere que les habitans de l’Ukraine ne s’appellent point les Ukraniens, mais les Cosaques. Il est vrai cependant que l’usage de désigner les hommes par le nom de la nation dont ils sont issus, et non point par un nom dérivé du nom de la contrée où ils sont nés, subsiste encore dans plusieurs provinces de l’Asie et de l’Amérique, et même dans quelques provinces de l’Europe qui sont sous la domination du grand-seigneur. Un homme issu de la nation turque, et né dans la Gréce ou dans la Hongrie, ne s’appelle point un Grec ou un Hongrois absolument. Si pour nous exprimer plus promptement, nous avons donné le nom collectif de Turquie à l’assemblage des Etats qui obéissent au sultan des Turcs, c’est de notre propre autorité que nous le lui avons donné, ce prince et ses officiers ne s’en servent pas. Il en est de même dans les colonies que les Européans ont fondées en Amé-