Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/406

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vés ne peut les passer sous silence ? Ne sçait-on pas bien que les plus tumultueuses de toutes les assemblées, sont celles où se rendent les citoyens d’une nation belliqueuse pour nommer leur roi ? Aucun des prélats dont Grégoire de Tours écrit la vie avec tant de complaisance, n’auroit-il jamais eu assez de part à quelqu’une de ces élections, pour engager notre historien à en parler ? Il est vrai, et nous l’avons dit, on ne sçauroit fonder aucune objection solide sur le silence de Gregoire de Tours : on ne sçauroit nier en s’appuyant sur ce silence, la vérité d’aucun fait particulier dont on a quelque connoissance tirée d’ailleurs. Mais pour faire usage ici de ce principe, il faudroit que Gregoire De Tours n’eut eu à parler que de deux ou de trois mutations de souverain, et il a eu à parler de vingt mutations. Ainsi son silence profond, quand il a eu tant d’occasions de parler, prouve beaucoup dans la circonstance où nous l’alleguons comme une bonne raison, quoiqu’il ne prouve rien lorsqu’il s’agit seulement de la verité d’un seul fait.

En un mot, quoique nous ne sçachions point parfaitement l’histoire du sixiéme siécle, neanmoins nous la sçavons assez bien pour ne pas ignorer, que de tems en tems, il s’y seroit fait des assemblées pour l’élection d’un roi, si pour lors il s’en fût fait de telles. Il nous reste trop de monumens litteraires de ce tems-là, pour n’être pas instruits de quelques circonstances de ces élections. Gregoire de Tours n’est pas le seul auteur qui auroit dû parler de ces élections. Fredegaire l’auteur des Gestes, les Legendaires, Marculphe même, en auroient dû dire quelque chose ; cependant ils n’en disent rien. En verité, plus on réflechit sur le silence de Gregoire de Tours, et sur le silence de tous les auteurs ses contemporains, concernant les élections, plus on se persuade que ce silence suffiroit seul pour montrer que dès l’origine de la monarchie Françoise, sa couronne a été hereditaire.

J’observerai en second lieu, qu’un peuple qui élit son souverain à chaque vacance du trône, se choisit ordinairement pour maître un prince en âge de gouverner, et non point un enfant. Les sujets ne veulent pas au sortir d’un interregne, essuyer encore une minorité. Or en faisant attention sur toutes les mutations de souverain, arrivées dans la monarchie Françoise durant le sixiéme siecle, on trouve que les enfans du dernier decédé n’ont jamais été exclus de la couronne de leur pere, parce qu’ils n’étoient point en âge de regner. En quelque bas