Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/412

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venues des fiefs, qu’on trouva l’expédient de les faire passer aux femmes, en introduisant l’usage qui leur permettoit de faire, par le ministere d’autrui, le service dont ces benefices militaires étoient tenus envers l’Etat, qui étoit le véritable proprietaire de ces sortes de biens. En un mot, les Loix Saliques ne font que statuer sur les terres Saliques, ce qu’avoit statué l’empereur Alexandre Severe concernant les benefices militaires qu’il avoit fondés ; sçavoir, que les héritiers de celui auquel un de ces benefices auroit été conferé, n’y pourroient point succeder, à moins qu’ils ne fissent profession des armes. C’est de quoi nous avons parlé dans notre premier livre.

Cela posé, est-ce mal raisonner que de dire ? Si la loi de la monarchie a voulu affecter les terres Saliques, ou pour parler abusivement le langage des siecles postérieurs, les fiefs servans aux mâles, comme étant seuls capables des fonctions, dont seroient tenus les possesseurs de ces fiefs, à plus forte raison la loi de la monarchie aura-t’elle voulu affecter aux mâles, le fief dominant, celui de qui tous les autres releveroient, soit médiatement, soit immédiatement, et qui ne devoit relever que de Dieu et de l’épée du prince qui le tiendroit. Ainsi l’on ne sçauroit gueres douter que l’article des Loix Saliques dont il s’agit, ne regarde la couronne. Les Castillans disent, que leur couronne est le premier majorasque de leur royaume. Qui nous empêche de dire aussi qu’en France, la couronne est le premier benefice militaire, le premier fief du royaume, et partant, qu’il doit être reputé compris dans la disposition que la loi nationale des Francs fait, concernant les benefices militaires. Monsieur le Bret qui avoit fait une étude particuliere de notre droit public, et qui a exercé les premieres charges de la robe, ne dit-il pas[1] : Que la couronne de France est un fief masculin, et non pas un fief feminin  ? Maître Antoine Loysel, un autre de nos plus celebres jurisconsulies, dit dans ses institutes coutumieres : Le roi ne tient que de Dieu et de l’épée. Si dans l’article dont il est question[2], les Loix Saliques n’avoient pas statué sur la masculinité de notre couronne, point cependant incontestable dans notre droit public, il se trouveroit qu’elles n’auroient rien statué à cet égard, parce qu’aucun autre de leurs articles, n’est applicable à l’exhéredation des filles de France. Or il n’est pas vrai-semblable que les Loix Saliques n’ayent rien voulu statuer sur un point d’une si grande importance, ni qu’il eût toûjours été exécuté sans aucune opposition, ainsi qu’il l’a été, si ces

  1. Souveraineté des Rois, Liv. 1. Ch. 4. pag. 17.
  2. Art. 2.