Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/414

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sion que la loi donnoit à sa mere, on eut recours aussi-tôt au titre soixante et deuxiéme des Loix Saliques. La partie interessée à nier que le sixiéme article de ce titre fut applicable en aucune façon à la succession à la couronne, n’osa point le nier. Elle tâcha seulement d’éluder par une interprétation forcée le sens qui se presente d’abord en lisant cet article-là.

Quand Charles Le Bel mourut, il n’avoit point de garçons, mais il laissoit la reine enceinte. Il fut donc question de nommer un régent, en choisissant selon l’usage, celui des princes du sang que la loi appelloit à la couronne, supposé que la reine n’accouchât que d’une fille. Edouard III roi d’Angleterre, et Philippe De Valois, prétendirent chacun être le prince à qui la couronne devoit appartenir, au cas que la veuve de Charles Le Bel mît au monde une princesse, et par consequent qu’il étoit le prince à qui la régence devoit être déferée.

Voici les moyens, ou le fondement de la prétention de chacun des deux princes. Edouard étoit neveu du dernier possesseur, et son plus proche parent, mais il ne sortoit de la maison de France, que par une fille sœur de Charles Le Bel. Philippe De Valois n’étoit que cousin du dernier possesseur, mais il étoit issu de la maison de France par mâle[1]. Il étoit fils d’un frere du pere de Charles Le Bel. On voit l’interêt sensible qu’avoit le roi Edouard, à soutenir que la Loi Salique n’étoit point applicable aux questions concernant la succession à la couronne. Cette loi étoit le seul obstacle qui l’empêchoit d’exclure, et par la prérogative de sa ligne, et par la proximité du degré, son compétiteur, Philippe De Valois. Edouard se crut obligé néanmoins de convenir que l’article des Loix Saliques qui fait le sujet de notre discussion, étoit applicable à ces questions-là, et il se retrancha seulement sur la raison, que cet article excluoit bien les femelles, mais non pas les mâles issus de ces femelles. Voici ce qu’on trouve sur ce point-là dans un auteur anonime, qui a écrit sous le regne de Louis XI. L’origine des differens qui étoient entre les rois de France et les rois d’Angleterre, et qui fait voir bien plus de capacité et bien plus d’intelligence du droit public, qu’on ne se promet d’en trouver dans un ouvrage composé vers mil quatre cens soixante.

» Au contraire, disoit le Roi Edouard[2], que nonobstant toutes les raisons alleguées par ledit Philippe de Valois, la Couronne devoit lui appartenir, tant par la Loi Salique qu’autrement. Premierement par la Loi Salique, parce qu’elle met

  1. Voyez le Songe du Vergier, Liv. 1. Chap. 142.
  2. Leibnitz, cod. Dipl. Tom. 2. pag. 66.