Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/419

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On sçait qu’en style de droit public on appelle couronnes patrimoniales, celles dont le prince qui les porte peut disposer à son gré, et de la même maniere qu’un particulier peut disposer de ses biens libres. Les couronnes de ce genre si rares dans le siecle où nous sommes, étoient très-communes dans la societé des nations avant l’établissement des monarchies Gothiques. C’est le nom que quelques peuples donnent communément aux royaumes qui doivent leur origine aux nations qui envahirent les domaines de l’empire d’Occident, et qui formerent de ses débris des Etats héreditaires dès leur origine. On a vû que les Gots furent long-tems la principale de ces nations.

Pour revenir à la couronne de l’empire Romain, on croit qu’elle étoit une couronne patrimoniale, quand on voit les empereurs s’arroger le droit d’appeller à leur succession les enfans qu’il leur avoit plû d’adopter ; quand on voit Auguste l’ôter au jeune Agrippa son petit-fils pour la laisser à Tibére ; ce même Tibére exclure de sa succession son propre petit-fils, pour la faire passer à Caligula son neveu, et Claudius la déferer au préjudice de son fils Britannicus à Neron, qu’il n’avoit adopté que plusieurs années après la naissance de Britannicus. On voit encore dans l’histoire Romaine des associations à l’empire, qui montrent que plusieurs empereurs se sont crûs en droit de disposer à leur plaisir de la couronne qu’ils portoient. Enfin, lorsqu’après la mort d’Aurelien, le Sénat reconnut Tacite pour empereur, il n’exigea point de lui qu’il ne disposât jamais de l’empire, mais qu’il n’en disposât jamais, même quand il auroit des enfans, qu’en faveur d’une personne capable de bien gouverner ; enfin qu’il imitât Nerva, Trajan et Adrien, qui dans le choix de leur successeur, n’avoient consulté d’autre interêt, que celui de la république.

Nous voyons d’un autre côté des enfans encore très-jeunes succeder à leur pere, sans qu’il y eût eu aucune disposition faite en leur faveur par le peuple, mais comme les fils des particuliers succédent à l’héritage de leur pere : on voit même des freres succeder de plein droit à la couronne de leurs freres. Ce fut ainsi que Domitien monta sur le trône après la mort de