Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/431

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chez soi des esclaves, pour les employer aux services domestiques. Ces nations ne furent que trop éprises de toutes les commodités et de toutes les délices que le luxe des Romains y avoit fait connoître. Mais il est aussi à croire que les Francs, les Bourguignons, et les autres nations Germaniques auront continué à donner des domiciles particuliers à une partie de leurs esclaves, comme à leur abandonner une certaine quantité d’arpens de terre pour les faire valoir, à la charge d’en payer une redevance annuelle, soit en denrées, soit en autres choses. Les Romains des Gaules auront eux-mêmes imité leurs Hôtes dans cette oeconomie politique, soit parce que, tout calculé, ils l’auront trouvée encore plus profitable que l’ancien usage, soit pour empêcher que la plûpart de leurs esclaves ne se réfugiassent chez ces Hôtes, afin de changer leurs fers contre des fers moins pésans. L’amour de l’indépendance si naturel à l’homme, fait préférer à ceux dont le sentiment n’est point entierement perverti, le séjour d’une cabane, où il n’y a personne qui soit en droit de leur commander, à une demeure commode dans un palais, où sans cesse ils ont un maître devant les yeux. La loi du monde ordonnoit bien que les esclaves fugitifs qui se seroient sauvés dans les métairies du roi, et même dans les aziles des églises, seroient rendus à leurs maîtres ; mais croit-on que la loi fût toujours exécutée ? Le Romain étoit-il toujours assuré d’obtenir justice des officiers du prince, qui certainement ne devoient rendre qu’à regret les esclaves qui s’étoient donnés à eux, et dont ils pouvoient souvent passer le prix dans les comptes qu’ils rendoient à ce prince, en y supposant qu’ils les avoient achetés ? Ce qui est de certain, c’est que les églises dont les ministres étoient presque tous alors de la nation Romaine, avoient imité l’usage des Germains dès le tems des empereurs, et qu’elles donnoient à leurs esclaves des domiciles particuliers et des terres à faire valoir, à charge d’une simple redevance. On voit enfin par une infinité de faits, qu’avant Clovis, l’usage dont il s’agit, étoit établi dans plusieurs provinces des Gaules ; il devint seulement plus général et plus à la mode quand les nations Germaniques s’en furent emparées.

On peut donc regarder l’introduction de l’esclavage Germanique dans les Gaules, en quelque tems qu’elle y ait été faite, comme l’origine de ce grand nombre de chefs de familles, ou de personnes domiciliées dans un manoir particulier et qu’on voit néanmoins avoir été dans le septiéme siecle et dans les sie-