Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/432

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cles suivans, serves de corps et de biens. En effet, il paroît en lisant les monumens de nos antiquités, que sous les premiers rois Capétiens, les deux tiers des habitans du royaume étoient du moins serfs de biens. Personne n’ignore qu’on appelloit alors serfs de biens ou d’héritages, ceux qui tenoient de quelque seigneur une portion de terre qu’il ne pouvoit pas leur ôter arbitrairement, à condition de la bien faire valoir, et de payer à ce seigneur une redevance fixée, comme de lui rendre en certaines occasions plusieurs services, mais qui pouvoient, dès qu’ils en avoient envie, recouvrer leur indépendance, en délaissant la portion de terre dont il s’agit, au maître à qui la proprieté en appartenoit. Il est vrai que les serfs de corps étoient en quelque sorte de véritables esclaves, puisqu’ils ne pouvoient devenir libres que moyennant une manumission accordée volontairement par leur maître.

Quant à la servitude Romaine, il paroît qu’elle ait été abrogée sous les rois de la seconde race, et que dès lors on ait cessé d’acheter des esclaves pour les tenir dans sa maison soumis à toutes les volontés et à tous les caprices d’un maître despotique qui les employoit, les nourissoit, les châtioit ou recompensoit à son gré. On comprit dès-lors, qu’il étoit contre la religion, et même contre l’humanité, d’assujettir des hommes aux malheurs d’une condition aussi dure. Il est même si bien établi en France depuis plusieurs siécles, qu’il ne doit plus y avoir de serfs domestiques, ou de la condition dont étoient les esclaves des Grecs et des Romains, que tout esclave qui met le pied sur le territoire du royaume, devient libre de fait. Les exceptions faites à cette loi generale en faveur des François établis sur les domaines du roi en Amérique, suffiroient seules à prouver son existence. Mais lorsque les rois de la troisiéme race monterent sur le trône, il y avoit en France un si grand nombre de mains-mortables ou d’hommes de pote, c’est-à-dire, de serfs germaniques de tout genre et de toute espece, que nonobstant ce qu’ont fait ces princes pour les affranchir, il en reste encore dans plusieurs provinces. Il est vrai que lors de la tenue des derniers Etats Genéraux, faite à Paris en mil six cens quinze, sous le regne de Louis XIII le Tiers-état inséra dans son cahier une supplication, par laquelle il prioit le roi d’ordonner que les seigneurs seroient tenus d’affranchir dans leurs fiefs tous les serfs, moyennant une composition, mais cette demande du Tiers-état