Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/436

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et qui leur soit acquis par la loi, elles ne font pas dans l’empire Ottoman un ordre particulier de citoyens, et l’on dit avec raison, qu’il n’y a point un ordre de la noblesse parmi les Turcs. Quoiqu’on fasse à Venise, dans ce qui s’appelle le monde, une grande difference des nobles issus des anciennes familles, et des nobles issus des familles annoblies depuis peu par argent ; neanmoins la considération et les égards qu’on a pour les premiers et qu’on n’a point pour les seconds, n’étant pas fondés sur aucune loi ou Parté, qui établisse quelque difference légale entre les uns et les autres, personne ne dira que les nobles vénitiens soient divisés en deux ordres. Ils sont tous du même ordre, tant anciens nobles que nouveaux nobles. Ainsi quoiqu’on voye dès le sixiéme siecle parmi les Francs, des familles plus honorées et plus respectées que les autres, il ne s’ensuit point qu’il y eût parmi eux, deux ordres de citoyens. Ce n’étoit point une loi du droit public, c’étoient les dignités qui avoient été long-tems dans ces familles, c’étoient les sujets d’un mérite rare qu’elles avoient fournis à l’Etat, qui leur avoient attiré l’espece de distinction dont elles joüissoient. Prouvons ce que nous venons d’avancer, concernant la nation des Francs.

Suivant la loi naturelle, les hommes naissent tous égaux, et l’on ne doit pas supposer sans preuve, qu’une nation ait donné atteinte à cette loi, en attribuant aux citoyens, qui auroient le bonheur de naître dans de certaines familles, des distinctions et des prérogatives particulieres et onéreuses aux citoyens nés dans les autres familles. Si nous croyons avec certitude, que dans les tems dont il s’agit, une partie des Francs naissoit libre, et que l’autre partie naissoit esclave, c’est que la loi de cette nation nous le dit clairement et positivement. Nous y voyons plusieurs sanctions, qui prouvent manifestement qu’à cet égard, la loi des Francs avoit dérogé à la loi naturelle. Or il n’y a rien dans la loi nationale des Francs, qui montre qu’ils fussent divisés en deux ordres, et que les uns naquissent nobles, et les autres roturiers. Les distinctions que fait cette loi en faveur de quelques citoyens, y sont faites en faveur de leurs dignités, et non pas en faveur de leur naissance. Ces distinctions sont accordées à des emplois qui n’étoient point héreditaires, et non point comme on le dit en droit public, à une priorité d’ordre.

Au contraire, la loi nationale des Francs suppose manifestement en plusieurs endroits, que tous les Francs de condition