Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/464

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Romains, l’auront mieux apprise, même sans l’étudier.

Enfin, les Francs, comme nous l’avons fait remarquer, étoient une nation peu nombreuse, et lorsqu’ils se furent dispersés dans les Gaules, il falloit qu’ils fussent dans presque toutes les cités, en un nombre moindre que celui des anciens habitans, dont la langue commune étoit le latin. Or toutes les fois que deux peuples qui parlent des langues differentes, viennent à cohabiter dans le même pays, de maniere que leurs maisons, ne forment point des quartiers separés, mais qu’elles sont entremêlées, le peuple le moins nombreux apprend insensiblement la langue du plus nombreux. Il arrive même après quelques générations, que le peuple le moins nombreux, oublie sa langue naturelle, pour ne parler plus que la langue du plus nombreux, à moins que le gouvernement ne s’en mêle, et qu’il ne fasse des efforts continués durant long-tems, pour obliger le peuple le plus nombreux à parler la langue de l’autre. Combien croit-on qu’il en ait coûté de soins et de peine aux empereurs, pour obliger les Gaulois, qui dans leur patrie, étoient en plus grand nombre que les Romains, à parler latin ? Combien de Gaulois auront-ils été éloignés de tous emplois, parce qu’ils ne sçavoient pas le latin ? Et combien d’autres auront-ils été avancés, parce qu’ils le sçavoient ? Rome, dit saint Augustin, s’étoit fait une affaire sérieuse d’imposer aux nations vaincues, l’obligation de parler sa langue, après leur avoir imposé l’obligation de lui obéir.

Quelle étoit d’ailleurs la condition des Gaules sous les empereurs ? Elles étoient, comme il l’a été dit déja, une des provinces de l’empire Romain. Ainsi le latin qu’on faisoit aprendre aux Gaulois, étoit, pour ainsi dire, la langue vulgaire de la monarchie. On ne pouvoit point, sans sçavoir cette langue, être officier de l’empire. Il y avoit même eu des personnes nées citoyens Romains, qu’on avoit dégradées et privées de l’état dont elles jouissoient en vertu de leur naissance, parce qu’elles ne sçavoient point parler latin. On pouvoit, au contraire, être employé dans toutes ses provinces, dès qu’on sçavoit cette langue. Ainsi les Romains seront venus à bout d’obliger les Gaulois à parler latin.