Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/466

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En effet, la langue qui s’y est formée dans la suite, par le mélange des langues differentes, que leurs habitans parloient dans le sixiéme siécle, et dans les trois siécles suivans, n’est qu’une espece d’idiome dérivé de la langue latine, dans lequel on ne s’est point assujetti à se conformer aux regles que la sintaxe de cette langue prescrit pour décliner les noms, et pour conjuguer les verbes. Si ces regles rendent la phrase plus élegante, elles sont en même tems, et plus difficiles à bien apprendre comme à observer, que les regles des déclinaisons et des conjugaisons de nos langues modernes. D’ailleurs ces dernieres regles étoient déja, suivant l’apparence, en usage dans les langues Germaniques. En effet, notre langue Françoise est presque toute entiere composée de mots latins. Le nombre des mots de la langue Celtique et de la langue Germanique, qui entrent dans la langue Françoise est petit. Il est vrai que parmi les quinze provinces des Gaules, où cette langue est la langue vulgaire, il y en a trois, où dans une portion du pays, il se parle une langue differente. On parle vulgairement l’ancien Celtique ou le bas-Breton sur les côtes de la troisiéme Lyonoise. Dans la partie orientale de la province Séquanoise, je veux dire, dans la partie de la Suisse, qui s’étend depuis la droite du Rhin jusqu’à ceux des pays de la Suisse qui sont de la langue Françoise, on parle le haut Allemand, qui est un idiome de l’ancienne langue Germanique. Enfin, on parle Flamand, un autre idiome de la langue Germanique, dans la partie septentrionale de la seconde Belgique, je veux dire, dans la Flandre flamingante, et dans presque tout le duché de Brabant.

La raison de ces trois exceptions à la regle générale est connue. Nous expliquerons ce qui concerne la troisiéme Lyonoise, en parlant de l’établissement de la colonie des Bretons insulaires sur les côtes de cette province. Quant à la partie septentrionale de la seconde Belgique, la plûpart de ses habitans, comme nous l’avons dit ailleurs, étoient Germains dès le tems des anciens empereurs, et Charlemagne y transplanta encore des milliers de Saxons, dont la langue vulgaire étoit la langue Teutone. Nos Germains y faisoient donc le plus grand nombre, et ce furent eux qui défricherent et mirent en valeur les marais de cette contrée. Pour ce qui regarde la Suisse, les Allemands une autre nation Germanique avoient établi dès le cinquiéme siécle, comme nous l’avons dit, une puissante colonie dans les pays, qui sont entre le Rhin et le lac de Genéve.