Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/468

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les Gaules à peu près, comme ils avoient subsisté dans les bourgades de l’ancienne France, de la France Germanique. Cette nation n’étoit point assez malheureuse dans les tems qu’elle habitoit encore sur la rive droite du Rhin, pour n’être composée que de gentilshommes ou de citoyens, qui n’eussent d’autre métier que celui de faire la guerre. Comment auroit-elle subsisté ? Il falloit donc que dès-lors, une partie des Francs fissent leur principale occupation, les uns de labourer la terre, les autres de nourrir du bétail, et les autres de la profession des arts qui sont nécessaires dans toutes les societés, même dans celles où le luxe n’est pas encore connu. Les guerres et les acquisitions de Clovis auront bien fait quitter pour quelques années à la plûpart de nos Francs, leurs emplois ordinaires, pour venir chercher fortune dans les Gaules ; mais quand la guerre aura été finie, quand il n’y aura plus eu moyen de subsister de sa solde et de son butin, il aura fallu que tous ceux qui n’avoient point amassé un fonds de bien suffisant à les faire vivre sans travailler, retournassent à leur premiere profession. Du moins leurs enfans l’auront reprise. Les conquêtes de Clovis n’enrichirent pas tous les Francs, parce que, comme nous le dirons plus bas, ce prince ne fit point ce qu’avoient fait les rois des Visigots, ceux des Bourguignons et ceux des Ostrogots, qui lorsqu’ils s’établirent dans les Gaules et dans l’Italie, ôterent à l’ancien habitant du pays, une partie de ses terres, pour la distribuer entre les Barbares qui les suivoient.

Les Francs enfin auront fait dans les Gaules, ce qu’avoient fait d’autres Barbares, qui s’étoient établis avant eux sur le territoire de l’empire. Orose qui vivoit dans le cinquiéme siécle, et que nous avons déja cité à ce sujet, dit de ces barbares, qu’après s’être convertis à la religion chrétienne, ils avoient remis l’épée dans le fourreau, pour se mettre à labourer, et que dans le tems qu’il écrivoit, ils vivoient avec les Romains échappés aux fureurs des dernieres guerres, comme avec des concitoyens.

Ennodius[1], auteur du sixiéme siécle dit, que les Allemands, à qui Theodoric avoit donné après la défaite de leur nation par Clovis, des établissemens en Italie, y cultivoient une terre facile à labourer. Enfin, nous avons cité dans le premier livre de cet ouvrage, un passage de Socrate[2], qui fait foi que la plûpart

  1. Ennod. in Pan. Theod. p. 41.
  2. Socr. Hist. Eccl. Lib. 7. pag. 30.