Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/473

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tée, principalement sous les princes de la troisiéme race.

Celui de nos rois qui a le premier ordonné un combat singulier, comme une procédure juridique, a été un petit-fils de Clovis, le roi Gontran. Il avoit dans son partage, la plus grande portion de la partie des Gaules, où les Bourguignons étoient établis, et pour cela même, plusieurs de nos historiens le qualifient de roi de Bourgogne. Voici à quel sujet Gontran rendit une ordonnance si opposée à l’esprit de la religion qu’il professoit.

Le prince dont je parle, ayant trouvé en chassant dans une de ses forêts la dépouille d’un taureau sauvage encore toute fraîche, il voulut sçavoir qui avoit eu la hardiesse d’y tuer cet animal. Nos rois étoient alors aussi jaloux de la conservation de cette espece de taureau dont ils aimoient la chasse passionément, que les princes d’Allemagne le sont aujourd’hui de celle des cerfs de leurs terres. L’officier chargé de la garde du bois où notre taureau sauvage avoit été tué, dit à Gontran, que c’étoit Chundo, Chambellan de ce prince, qui avoit fait le coup. Chundo arrêté sur le champ, nia le fait, et le roi après avoir confronté lui-même l’accusateur avec l’accusé, prit la fatale résolution d’ordonner que l’un et l’autre, ils se battroient en champ-clos. Mais d’autant que Chundo n’étoit point en état de combattre, il fournit un champion qui fut son neveu. On croiroit que l’issue du duel n’auroit rien décidé, parce que les deux parties se porterent des coups fourrés, dont elles expirerent sur la place. Cependant Gontran condamna Chundo à être lapidé, comme convaincu du délit dont il étoit accusé. Chundo fut attaché à un pieux, et assommé à coups de pierres. Voilà de quelle nation les François avoient emprunté les duels judiciaires, ordonnées tant de fois par les tribunaux les plus respectables. Voilà l’occasion importante où nos rois mirent en crédit ce moyen infernal de terminer les procès.

Il se peut bien faire que Gontran n’ait soumis Chundo à l’épreuve du duel, que parce que ce sujet étoit de la nation des Bourguignons, et que pour cela, l’usage détestable dont il s’agit, n’ait point été dès-lors adopté par la nation des Francs. Je crois même qu’il ne fut jamais établi parmi les Francs, sous les rois Mérovingiens, ni même sous les premiers rois de la