Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/488

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ignorons même si l’inclination des Romains pour Clovis n’eut point beaucoup de part à ces conquêtes-là. Ce fut ensuite par voye de négociation que ce prince étendit son royaume d’abord jusqu’à la Seine, et puis jusqu’à la Loire. Or le premier article de toutes les capitulations ou conventions qui se font dans ces changemens de maîtres, portent que le nouveau souverain maintiendra ses nouveaux sujets dans la jouissance de leurs biens, droits, priviléges et libertés. On a vû aussi, que lorsque Clovis conquit sur les Visigots les deux Aquitaines et quelques contrées voisines de ces provinces, il y étoit appellé par des Romains du pays, qui ne contribuerent pas peu au succès de ses armes.

Ainsi quand nous n’aurions plus la lettre qu’il écrivit aux évêques après la fin de sa guerre Gothique, et que nous avons rapportée, il faudroit encore penser que ce prince ne dégrada point les Romains des provinces nouvellement unies à sa couronne. Le traitement qu’il avoit fait à ces Romains, ses fils l’auront fait aux Romains des provinces qu’ils conquirent sur les Bourguignons, et aux habitans de celles que les Ostrogots leur remirent vers cinq cens trente-sept. L’histoire ne rapporte rien de contraire. Elle ne dit en nul endroit que ces Romains ayent fait aucun effort, qu’ils ayent fait aucune démarche, pour ne point passer sous la domination de maîtres, qui réduisoient les Gaulois en servitude. La vie de saint Césaire parle de la soumission d’Arles aux rois des Francs, comme d’un événement heureux pour cette cité. Il y a plus, Gregoire de Tours dit positivement : que toutes les Gaules souhaitoient sous le regne de Clovis, d’être au pouvoir des Francs. Nous avons rapporté les passages de ces auteurs où cela est dit.

Ma troisiéme observation, c’est que Clovis lorsqu’Anastase lui confera la dignité de consul, étoit déja maître de presque tous les pays qu’il possédoit le jour qu’il mourut. L’empereur des Romains d’Orient, auroit-il revêtu de son autorité, un prince qui eût enchaîné les Romains ? Justinien lorsqu’il transporta aux enfans de Clovis tous les droits de l’empire sur les Gaules, n’eût-il pas exigé d’eux, en leur faisant cette cession, de laisser jouir les Romains de cette grande province, de leur état et condition s’ils y eussent été troublés ? Le silence de Procope à ce sujet, devroit seul nous persuader que Justinien, content du traitement que les Francs faisoient aux Romains des Gaules, ne stipula rien quant à ce point-là. Je ferai encore une autre réflexion. Nous avons plusieurs lettres écrites par les rois Mérovingiens